Le Bumidom
Jessica Oublié (scénariste) et Marie-Ange Rousseau (illustratrice)
Peyi An Nou est le récit illustré d’une enquête menée par Jessica Oublié autour de son histoire familiale. Née à Paris, l’autrice découvre tardivement l’histoire de ses proches, venus dans l’Hexagone avec l’appui du Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer).
Cet acronyme, c’est le nom donné à un dispositif mis en place par l’État français en 1963 pour organiser et encadrer la migration des Antillais, Guyanais et Réunionnais vers l’Hexagone, jusqu’en 1981. Pendant près de vingt ans c’est plus de 170 000 personnes qui migrent via le Bumidom (lire l'article d’Audrey Célestine dans Faire musée d’une histoire commune, Seuil/MNHI, 2019) et qui vont rencontrer de nombreuses difficultés liées au racisme et à une forte discrimination. Ils vont notamment être cantonnés dans des postes peu ou pas qualifiés, souvent pénibles et dévalorisés : soins à la personne, travaux publiques, PTT, etc. L’histoire du Bumidom c’est aussi plusieurs scandales restés longtemps tabous comme celui des enfants de la Creuse (enfants réunionnais enlevés à leurs familles pour être amenés en France et placé dans des familles de métropole). Et c’est une histoire qui pèse encore sur la démographie des départements d’Outre-Mer qui sont aujourd’hui marqués par un vieillissement rapide et une natalité en berne.
Peyi An Nou
Mêlant à un récit familial des analyses historiques, ce roman graphique offre une pluralité de points de vue, essentielle pour saisir cette histoire qui demeure largement méconnue.
« Ma mère a quitté sa Guadeloupe natale à l’âge de 16 ans et mon père martiniquais est parti pour Paris à l’âge de 17 ans. (…) Les destins individuels et collectifs de ces Français de l’autre bord, prédéterminés par le dessein politique du Bumidom, a souvent été plus proche de ceux de leurs collègues de travail immigrés que des autres citoyens français.
Le déficit de références à l’histoire et à la réalité de ces départements français dans les manuels scolaires, l’image tour à tour exotique et misérabiliste qu’en construisent les médias, les silences de ces hommes et femmes, tout cela ne m’avait pas permis, avant cet ouvrage, de m’inscrire personnellement dans la continuité du récit de ces territoires. Questionner ma mémoire familiale, interroger des chercheurs pour comprendre ce que la migration du Bumidom a induit pour les populations déplacées comme pour les populations d’accueil m’a incitée à rendre tangibles, par l’image et le texte, les mémoires de ces voix et visages d’Outre-Mer trop longtemps «silenciées» dans notre roman national. » Jessica Oublié (Une histoire de l'immigration en 100 objets, catalogue de l'exposition permanente du Musée national de l'histoire de l’immigration, Éditions de La Martinière, juin 2023).