Les étapes de la création du Musée national de l’histoire de l’immigration

L’idée de créer une institution nationale dédiée à l’histoire de l’immigration en France remonte aux années 1990. Portée par les associations, les historiens et les pouvoirs publics, elle se concrétise en octobre 2007 avec l’ouverture de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration au Palais de la Porte Dorée (Paris 12e). Devenu Musée national de l’histoire de l’immigration en 2012, l’institution continue de travailler son objet initial et plus que jamais d’actualité : l’histoire de l’immigration en France, la lutte contre les préjugés, afin de contribuer à changer les regards sur les migrations.

Le Palais de la Porte Dorée : un lieu en question ?

Dès sa création, le Musée national de l’histoire de l’immigration a dû répondre au défi de sa localisation. Situé dans un palais construit pour l’exposition coloniale de 1931, il succède au Musée national des arts africains et océaniens. 
 

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Hommes et migrations, n°1117
Hommes & Migrations, n° 1117, « Illettrisme », 1988
© EPPPD-MNHI

Alain Seksig, «  Du musée des colonies au Musée national des arts africains et océaniens », in Hommes & Migrations, n° 1117, « Illettrisme », 1988, pp. 38-41.

La présence d’un musée au Palais de la Porte Dorée remonte à l’Exposition coloniale de 1931. Renommé en 1935 « Musée de la France d’Outre-Mer », l’institution reste liée à la propagande coloniale. Elle changera de vocation dans les années 1960 pour devenir le Musée national des arts africains et océaniens (MAAO), sous l’impulsion d’André Malraux, ministre de la Culture, qui la placera sous sa tutelle. Au milieu des années 1980, la création de l’Association pour le développement des échanges interculturels au Musée des arts africains et océaniens (ADEIAO) permet de concevoir des actions de médiation et des expositions en renforçant les liens avec les associations issues ou agissant auprès de communautés immigrées.

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Hommes et migrations, n°1238
Hommes et migrations, n°1238, Juillet-août 2002. Les frontières du droit d'asile.
© EPPPD-MNHI

Philippe Dewitte, « Vers la création d’un “musée” de l’immigration ? », in Hommes & Migrations, n° 1238, « Les frontières du droit d’asile », 2002, pp. 101-106.

L’idée de créer une institution nationale destinée à promouvoir l’histoire de l’immigration en France commence à se concrétiser en 2001, avec la remise au Premier ministre d’un rapport « pour la création d’un Centre national de l’histoire et des cultures de l’immigration », commandé à Driss El Yazami, délégué général de Génériques et vice-président de la Ligue des droits de l’homme, Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d’État et professeur associé à l’université de Versailles Saint-Quentin. Ce rapport se veut l’aboutissement d’une décennie de réflexion et de tentatives avortées pour mettre sur pied un lieu où la République puisse reconnaître les apports étrangers dans l’histoire de la nation. 

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Hommes et migrations, n°1267
Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007
© EPPPD-MNHI

Maureen Murphy, « La CNHI au Palais de la Porte Dorée », in Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007, pp. 44-55.

L’installation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration dans le Palais de la Porte Dorée a été et demeure un sujet de controverses. La CNHI a investi un bâtiment longtemps symbole de la domination coloniale et vitrine des richesses de l’Empire. Cette mémoire coloniale et sa charge historique sont-elles « conciliables avec la nouvelle attribution du lieu ? », interroge Maureen Murphy, qui invite à déconstruire le lien entre histoire de l’immigration et passé colonial pour replacer cette histoire dans le temps long des migrations.

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Les défis d’un musée d’histoire

L’histoire de l’immigration en France souffre d’un manque de reconnaissance que la nouvelle institution patrimoniale doit entreprendre de pallier, en combinant témoignages et savoirs historiques sur l’histoire de l’immigration et les politiques publiques.

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Hommes et Migrations, n°1255, Mai-juin 2005. Les chantiers de l'histoire. Historiographie de l'immigration.
Hommes & Migrations, n° 1255, « Les chantiers de l’histoire. Historiographie de l’immigration », 2005
© EPPPD-MNHI

Vincent Viet, « Musée et histoire de l’immigration, un enjeu pour toutes les nations », in Hommes & Migrations, n° 1255, « Les chantiers de l’histoire. Historiographie de l’immigration », 2005, pp. 72-78.

L’histoire de l’immigration a véritablement pris son essor, pour la plupart des pays européens, dans les années 1980. Elle a rapidement été confrontée à la multitude des approches possibles et à la difficulté des historiens d’imposer leur spécificité face à d’autres disciplines comme la démographie ou la sociologie. Dans ce contexte, la création d’une Cité nationale de l’histoire de l’immigration doit répondre à des défis heuristiques : une clarification des concepts et des ressorts de l’immigration et de l’émigration, ainsi que des méthodes et des politiques d’intégration dans une optique comparatiste. Mais une telle institution fait également face à des risques comme l’arasement des différences entre les expériences migratoires ou leur essentialisation.

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Hommes et Migrations, n°1267, Mai-juin 2007. Une Collection en devenir. La Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration.
Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007
© EPPPD-MNHI

« Le rôle central de l’historien. Entretien avec Nancy L. Green, Gérard Noiriel, Janine Ponty et Marie-Christine Volovitch-Tavares », in Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007, pp. 92-101.

Au moment de la création de la CNHI en 2007, Nancy L. Green, Gérard Noiriel, Janine Ponty et Marie-Christine Volovitch-Tavares partagent leurs réflexions sur la fonction de l’historien dans le débat public et leurs implications au sein de cette nouvelle institution. Le rôle civique que ces historiens ont à cœur de tenir naît de la pratique historiographique elle-même, de son engagement dans les débats de société où elle contribue à distinguer ce qui relève de la mémoire et de l’histoire, tout en levant les stéréotypes et les confusions.

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Hommes et Migrations, hors-série octobre 2007. La Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration. Quels Publics ?
Hommes et Migrations, hors-série octobre 2007. La Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration. Quels Publics ?
© EPPPD-MNHI

Michel Wieviorka, « Inscrire l’immigration dans le récit national », in Hommes & Migrations, Hors-Série, « La Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Quels Publics ? », 2007, pp. 8-9.

Le constat dressé par le sociologue Michel Wieviorka en 2007 permet de mesurer le chemin parcouru – ou non – dans la reconnaissance de la place de l’immigration dans l’histoire et la société contemporaine française : « Faire de l’immigration un élément de notre histoire n’est pourtant pas impossible. Mais cela implique une rupture, un déchirement par rapport aux démarches les plus conservatrices, cela implique d’accepter de porter un autre regard sur la construction de l’identité nationale et de trouver une certaine fierté à avoir été depuis un bon siècle et demi un pays d’immigration. » 

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Couverture Hommes et migrations 1319
Hommes & Migrations, n° 1319, « Réfugiés et migrants au Liban », 2017
©EPPPD-MNHI

Benjamin Stora, « Demeurer un musée de l’histoire de l’immigration et devenir un musée des migrants », in Hommes & Migrations, n° 1319, « Réfugiés et migrants au Liban », 2017, pp. 6-8.

Dans cet entretien, l’historien Benjamin Stora, président du Conseil d’orientation de l’EPPPD du Palais de la Porte Dorée-Musée national de l’histoire de l’immigration-Aquarium tropical entre 2014 et 2020, revient sur les dix ans d’existence de l’institution, en rappelant les débats auxquels elle fait face depuis sa création. Il réaffirme également sa fonction citoyenne dans la lutte contre l’idéologie nationaliste : par la visibilité offerte à l’histoire et aux réalités de l’immigration, déconstruire et contrer les préjugés mortifères.

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couverture Hommes et Migrations 1323
Hommes & Migrations, n° 1323, « Persona grata », 2018
©EPPPD-MNHI

Guillaume Le Blanc, « Vers un musée de l’hospitalité ? », in Hommes & Migrations, n° 1323, « Persona grata », 2018, pp. 132-138.

À l’occasion des dix ans du Musée national de l’histoire de l’immigration, le philosophe Guillaume Le Blanc précise le rôle philosophique d’un musée de l’immigration. Il présente l’hospitalité comme un nouveau paradigme pour les questions migratoires au regard des enjeux contemporains. Ce faisant, il invite à considérer toutes les formes de précarité qui touchent les existences humaines. À l’opposé d’une éducation « nationale », il dessine les contours d’une éducation internationale, que pourrait relayer le Musée, en constituant une archive des vies subalternes migrantes.

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La genèse des collections

Les collections patrimoniales du MNHI sont conçues autour de deux trois axes principaux pour offrir une image sensible de l’histoire de l’immigration : le traitement des migrations dans les sources historiques et archivistiques, l’art contemporain, entre émotions et questionnements, et la collecte ethnographique d’objets versés au patrimoine national, et qui témoignent des récits de migrations.
 

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Hommes et Migrations, n°1267, Mai-juin 2007. Une Collection en devenir. La Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration.
Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007
© EPPPD-MNHI

Hélène Lafont-Couturier, « Les coulisses d’une collection en formation’ », in Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007, pp. 8-15.

Chargé de rendre compte de l’histoire de l’immigration, du début du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, le musée créé au cœur de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration développe une collection fondée sur le croisement des points de vue, des recherches, des créations et des récits. Son exposition permanente sous forme de parcours thématique intitulée « Repères », permet une contextualisation de deux cents ans d’immigration en France. Une place prédominante est accordée à l’image, chargée de valoriser la dimension humaine de l’immigration, entre histoire individuelle et collective. Le regard artistique complète cette mise en scène sensible et informée de l’histoire et des réalités de l’immigration. 

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Hommes et Migrations, n°1267, Mai-juin 2007. Une Collection en devenir. La Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration.
Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007
© EPPPD-MNHI

Isabelle Renard, « Lorsque l’art contemporain réinterroge l’histoire », in Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007, pp. 16-27.

La collection d’art contemporain offre aux visiteurs du musée de la CNHI une double perception, celle de l’œuvre fictionnelle, forte de sa charge émotionnelle, et celle d’une ouverture, quasi documentaire parfois, aux questions soulevées par l’immigration. Les vidéos, photographies et autres installations diverses présentées dans Repères donnent à réfléchir sur les notions d’identité, de passage et de rupture, de territoire et d’exil, d’absence et de précarité, de fracture sociale et de « fissure humaine ».

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Hommes et Migrations, n°1267, Mai-juin 2007. Une Collection en devenir. La Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration.
Hommes & Migrations, n° 1267, « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007
© EPPPD-MNHI

Fabrice Grognet, « Quand “l’étranger” devient patrimoine français. Les collections ethnographiques à inventer du musée de la CNHI », in Hommes & Migrations, n° 1267,  « Une collection en devenir. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration », 2007, pp. 28-37.

La constitution des collections ethnographiques du musée de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration établit une passerelle entre le « Nous » et les « Autres » au moyen des objets. Les dons, prêts, dépôts effectués par les individus, les institutions, les associations, ou encore les achats représentent les principales sources d’acquisition du musée. La sélection de ces traces, « témoins » de l’immigration en France, se fonde sur la parole et les choix des premiers concernés. Ces objets qu’ils jugent représentatifs de leurs parcours migratoires constituent autant de possibilités de mettre en œuvre une reconnaissance des mémoires de l’immigration. 

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Hommes & Migrations, n°1320
Hommes & Migrations, n° 1320, « Au prisme de la consommation », 2018
©EPPPD-MNHI

Muriel Flicoteaux, « Vers de nouvelles formes d’institutionnalisation des cultures matérielles immigrées ? Le cas de la Galerie des dons du Musée national de l’histoire de l’immigration (Paris) », in Hommes & Migrations, n° 1320, « Au prisme de la consommation », 2018, pp. 97-103.

Le Musée national de l’histoire de l’immigration s’est doté d’un espace muséal symbolique : la Galerie des dons. Destinée à exposer des objets donnés au Musée par des hommes et des femmes soucieux de transmettre la mémoire migratoire de leur famille, cette galerie questionne les modes d’institutionnalisation traditionnels du patrimoine de l’immigration. Fondé sur un système de convention participatif, ce dispositif de médiation permet de renouveler les leviers de la reconnaissance institutionnelle des cultures matérielles immigrées en les faisant passer de l’héritage familial au patrimoine national.

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