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Lebanon, un film de Samuel Maoz

Quatre soldats enfermés dans l’habitacle d’un tank. Un huis-clos exigu et anxiogène. Pour son premier long-métrage, le réalisateur Samuel Maoz a voulu exorciser les souvenirs qui le taraudent depuis 25 ans. Toutes les horreurs de la guerre vont se concentrer dans cet espace réduit, cette souricière putride qui sent la sueur, la pisse, le vomi.

Sérénité trompeuse : le premier plan (comme le dernier) cadre un champ de tournesols épanouis, puis on oblique vers une zone aux ruines chaotiques peut-être encore habitées ou servant de repères à des combattants adverses. Nous sommes au printemps 1982 dans le Sud du Liban en état de guerre. Un tank israélien, envoyé en reconnaissance, doit pénétrer plus avant dans le territoire bombardé et par sa seule présence détecter les caches de l’ennemi. Pour son premier long-métrage, tourné à 47 ans, le réalisateur Samuel Maoz, natif de Tel-Aviv, a voulu exorciser les souvenirs qui le taraudent depuis 25 ans. C’est peu dire que le film est autobiographique, "un traumatisme autobiographique" précise un critique. "Ce film je l’ai écrit avec mes tripes", ajoute l’auteur et c’est par un dispositif assez exceptionnel qu’il va nous rendre la réalité palpable. Il s’agit d’un huis-clos exigu et anxiogène. Quatre soldats enfermés dans l’habitacle d’un char d’assaut : Shmulik, le tireur (Yoav Donat), Yigal, le conducteur (Michael Moshonov), Hertzel, le chargeur (Oshri Cohen) et Assi, le commandant (Itay Tiran). Tous quatre inexpérimentés, avancent à l’aveugle et en sourdine, tellement l’appui au sol est hasardeux. Les instructions communiquées de l’extérieur, intermittentes et peu audibles dans une bande-son saturée par le fracas des tirs et des ferrailles. La visibilité plus qu’incertaine au-delà du viseur, incapable de détecter les menaces comme de s’en protéger, mais pas d’effacer les horreurs : un vieillard achevé à bout portant, des cadavres abandonnés sans sépulture, des patelins rayés de la carte et autres hauts faits récurrents quand Tsahal s’en va-t-en guerre. Toutes les horreurs de la guerre vont se concentrer dans cet espace réduit, cette souricière putride qui sent la sueur, la pisse, le vomi. D’autant que ces jeunes ne sont pas des professionnels, des militaires de carrière. "Je venais d’avoir 19 ans, plaide par ailleurs l’auteur, la vie était belle. J’étais amoureux." Un film choc qui fait de la guerre une ignominie et donc de la paix la quête la plus nécessaire de l’homme. Devant la Mostra de Venise bouleversée, Ang Lee,réalisateur américano-taiwanais qui lui remit le Lion d’or dit à Samuel Maoz : "Merci pour ce bonheur". PS : Le cinéma israélien n'est pas en reste (de bonheur cinématographique). Outre l’extraordinaire Valse avec Bachir le dessin animé de Ari Forman, il faut signaler parmi les sorties récentes Tu n’aimeras point d’Haim Tabakman, Zion et son frère d’Eran Merav, Une jeunesse israélienne de Mushon Salmona. André Videau

Lebanon. Film israélien de Samuel Maoz. 2009. Durée : 1h32