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Burka

Eva Schwingenheuer, avec ses 45 dessins sur la burka, propose un cocktail détonnant de subtilité et d’humour en présentant une burka incongrue qui, entre satyre et poésie, prête à sourire. Ce petit livre, qui multiplie les mises en scène de cet ennuyeux bout de tissu, est une réussite.

Après la défaite de l’UMP, le spectacle d’un FN revigoré par les aléas d’un débat nauséeux et par un vent de peur venu des hauteurs, Jean François Copé l’a dit le soir même du second tour des élections régionales 2010 : il faut, et fissa, faire voter la loi anti burka ! Pas sûr que cela réponde aux attentes des électeurs même si cet accoutrement en dérange plus d’un. Non, il faudrait sans doute davantage de doigté, plus de subtilité pour enrayer un phénomène qui, pour ne concerner que quelques milliers de femmes - dont pas mal de converties -, n’en traduit pas moins l’avancé de quelques pions sur l’échiquier où, une fois de plus dans l’histoire, civilisation et barbarie s’opposent. Du doigté donc ! De la subtilité et pourquoi pas aussi une bonne dose d’humour ? C’est ce cocktail détonnant et gourmand que sert Eva Schwingenheuer avec ses 45 dessins sur la burka. Une burka épanouie et incongrue qui, entre satyre et poésie, se prête à sourire et même, souvent, à s’esclaffer. Pouvoir rire de tout est déjà une victoire sur les grincheux. Et nul n’est sensé ignorer que les intégristes, de tous les pays et de toutes les confessions, ne goûtent guère l’humour. Et toc ! donc. Ce petit livre est une réussite. Il est d’abord d’une élégance rare : le noir de ces burkas qui se dégage d’un fond blanc a l’efficacité d’une ceinture noire sur un kimono blanc et l’épure d’une calligraphie. Il est ensuite imaginatif, multipliant les mises en scène de cet ennuyeux bout de tissu : à la plage, au camping, à la piscine, en braqueur (se ?) de banque, face à l’institution policière, en Marylin, en danseuse étoile etc. Souvent à se tordre, parfois explosif (quand la burka sert à tapiner où à dissimuler on ne sait qui pour faire on ne sait quoi), le Burka de Schwingenheuer entrouve, avec malice, quelques portes, laissant filtrer chez le lecteur les rais d’une douce lumière (« censuré », « sœurs spirituelles » ou encore « carnaval »…). L’auteur, illustratrice formée aux beaux-arts de Düsseldorf est née en 1979. A sa sortie en Allemagne, en 2009, son livre provoqua remous et débats. Les intégristes n’aiment pas l’humour ? Raison de plus pour s’en servir. Quant à légiférer, il vaudrait mieux adopter la méthode Schwingenheuer… Mustapha Harzoune
Eva Schwingenheuer, Burka, Traduit de l’allemand par Bert Wendland et Marie Laureillard-Wendland, Anabet Éditions, 2010, 96 pages, 9,80 €