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Les mains en l’air

Le dernier film de Romain Goupil traite de la politique d’immigration de l’actuel gouvernement (traque des sans-papiers, mise en œuvre des quotas, reconduites à la frontière). A première vue Les mains en l’air pourrait n’être qu’une façon édulcorée de mettre les pieds dans le plat. C’est plus que cela…

On sait que Romain Goupil est un homme engagé. Sur nombre de problèmes nationaux ou internationaux, il a pris des positions publiques, souvent radicales, signé des pétitions et des manifestes, polémiqué dans les médias, participé à des manifs à slogans, défilé derrière des pancartes…Il s’est mobilisé en faveur du Rwanda, de la Tchétchénie, de la Bosnie, du Kosovo, du Tibet…et de façon plus controversée pour soutenir l’invasion de l’Irak diligentée par Georges W. Bush. Sur les sujets sensibles de la politique d’immigration de l’actuel gouvernement (traque des sans-papiers, mise en œuvre des quotas, reconduites à la frontière) on pouvait s’attendre à une sévère mise en question, à une attaque frontale, un pamphlet, un brûlot capable de déclencher de vives réactions de la part des autorités comme ce fut le cas lors de la sortie (et du succès) de Welcome de Philippe Lloret. Le film retraçait le basculement dans l’illégalité, en fait par solidarité, d’un paisible habitant de Calais, maître-nageur de son état, prenant tous les risques pour aider un jeune kurde en cavale vers l’Angleterre. A première vue Les mains en l’air pourrait n’être qu’une façon édulcorée de mettre les pieds dans le plat. Une bande d’enfants espiègles (Milana, Blaise, Ali, Alice, Claudio, Youssef et les autres) prendront le maquis, terrés au fond d’une cave pour assurer le relais de la contestation défaillante des parents et des enseignants. Ainsi ils soustrairont Milana, fillette tchétchène, aux poursuites et par leur disparition provoqueront l’inquiétude, voire la panique et finalement la prise de conscience d’une partie de l’opinion publique. Dénouement un peu léger, mais Romain Goupil revendique le droit de raconter des histoires, de créer des personnages et des situations insolites. Un cinéaste fait du cinéma sans s’astreindre à la démonstration idéologique, au didactisme du militant. En réalité les choses ne sont pas si simples (simplistes ?). Après une ébauche de science-fiction, « nous sommes en 2067, dit la voix off de Milana, on ne se souvient même plus du nom du président de la République », le film a pris les accents savoureux d’une aventure juvénile digne du Club des cinq ou de La guerre des boutons revisités, par l’actualité. On s’aperçoit alors que l’auteur avait plus d’un tour dans son sac. La jeune maman de deux adorables bambins (le romantique Blaise -Jules Ritmanic- et l’espiègle bout-de-chou Alice -Louna Klanit-), un peu fantasque mais très motivée malgré la mollesse d’un mari débonnaire (joué par le réalisateur) et les colères d’un frère gauchiste déviant (Hippolyte Girardot), c’est l’inimitable Valéria Bruni Tedeschi, belle sœur de qui vous savez. C’est elle qui aura la charge de clouer au pilori les pratiques politiques du moment. D’accord ou pas avec le propos, le public qui a compris la tactique exulte. Peut-être sur le mode mineur, mais pas neutre, un film décalé par rapport à l’œuvre de Romain Goupil. Un sujet grave traité avec malice. André Videau
Un film de Romain Goupil Avec : Linda Doudaeva, Jules Ritmanic, Louna Klanit, Jérémie Yousaf, Louka Masset, Dramane Sarambounou, Jules Charpentier, Emma Charpentier, Valeria Bruni-Tedeschi, Romain Goupil, Hélène Babu, Hippolyte Girardot Distributeur : Les Films du losange