Marionnettes de Marcel Desailly, Zinedine Zidane, David Trezeguet pour Les Guignols de l’info
Alain Duverne
La marionnette de Zinedine Zidane est lancée en 1997 dans l’émission satirique quotidienne Les Guignols de l’info de Canal+. Yves Lecoq lui prête sa voix pour présenter un personnage timide et humble, mais qui, à chacune de ses apparitions, énumère la liste interminable de ses sponsors. Très adroit lorsqu’il faut parler « business », il se révèle moins fringant sur le côté sportif lorsqu’on le questionne, répondant souvent : « Désolé, ce n’est pas mon domaine ». La popularité de Zidane est telle que la marionnette restera à l’affiche jusqu’à la fin de l’émission en 2018. Au-delà de la caricature, cette marionnette atteste de la notoriété d’un footballeur emblématique de l’intégration des « jeunes issus de l’immigration » et de la « France de la diversité » des années 1990- 2000.
Pourtant, à cette époque, la France n’est pas particulièrement ouverte aux immigrés, comme le prouve l’expulsion par les forces de l’ordre des « sans-papiers » de l’église Saint-Bernard, en août 1996. Comme aujourd’hui, sinon davantage, le racisme ne manque pas de gangrener la société et, deux mois plus tôt, en juin, à l’occasion de l’Euro de football organisé en Angleterre, Jean-Marie Le Pen, président du Front national, déplore que les joueurs ne chantent pas l’hymne national et s’insurge : « Je trouve que c’est tout de même un peu artificiel de faire venir des joueurs de l’étranger et de les baptiser équipe de France ». La polémique provoque un malaise au sein et autour du « onze » de France se traduisant par des joutes médiatiques intenses sur la qualité d’« être Français ».
Deux ans plus tard, au soir du 12 juillet 1998, l’équipe de France remporte, « chez elle » à Saint- Denis dans le Stade de France, la Coupe du monde face au Brésil (3-0), et le meneur de jeu des Bleus est célébré en héros avec deux buts essentiels inscrits de la tête. « Zidane président » peut-on même lire sur le fronton illuminé, un symbole fort du succès de la politique d’intégration qui a désormais le vent en poupe. Selon le discours ambiant, l’enfant des quartiers nord de Marseille incarne « cette France qui gagne » et le pays entier le considère comme le porte-drapeau du slogan devenu fameux : « La France Black, Blanc, Beur ».
Yvan Gastaut, historien, maître de conférences à l'université Côte d’Azur (Urmis)
Texte issus du portfolio « Le sport en migration dans la collection du Musée », revue Hommes & Migrations, « Parcours sportifs », n° 1344, janvier-mars 2024. Accéder au sommaire du numéro
Informations
Matériau d’origine synthétique, latex, mousse synthétique
98 cm x 62 cm x 27 cm chacune