Entretien avec Jean Pottier
Jean Pottier a été photo journaliste pendant plus de 50 ans, et, à 80 ans passés, il l’est encore un peu. Il nous reçoit, en compagnie de son épouse Madeleine, dans leur maison à Nanterre, où, dans chaque pièce, sont rangés, dans des boîtes en carton Ilford, des centaines de reportages photos classés par genres, par thèmes, par lieux… Montrer ses reportages, répondre aux sollicitations de la presse qui lui viennent encore, faire en sorte que ce travail amassé serve, ne disparaisse pas, sont les préoccupations qui occupent sa retraite.
Jean Pottier n’est pas un "causeur". Parler de son travail ne lui vient pas naturellement. Son travail se regarde. Toutefois, si on se plonge dans ses images, il peut nous montrer ses photos des heures durant, nous entraînant à sa suite au travers des thèmes qu’il a traité : le nucléaire en France, le travail et la vie dans les usines, l’immigration, l’urbanisme (notamment celui des villes de l’Ouest parisien qu’il a documenté pendant des décennies : Courbevoie, Nanterre, La Défense), etc.
"Je me suis fabriqué une compétence"
Jean Pottier est né en 1932 à Courbevoie où il vivra presque toute sa vie. Après un court passage par l’aéronautique, il devient, presque par hasard, photo journaliste pour le journal Panorama.
La photo, il y vient par goût et l’apprendra en autodidacte par le biais de club photos et de rencontres. Après 6 années passées à Panorama il devient pigiste et le restera pendant plus de 30 ans travaillant pour des journaux comme Le Nouvel Observateur, L’Express, Liaisons sociales ou encore pour la presse syndicale.
Le bidonville de Nanterre
1956. Son premier grand reportage.
Il décide de se rendre au bidonville, d’abord parce qu’il est situé quasiment en bas de chez lui, au bout de la rue. C’est une réalité "insupportable" dit-il à laquelle il est confronté quotidiennement et qu’il ne peut pas ne pas montrer, dénoncer.
Il s’y rend ensuite pendant près de 10 ans. Son travail sur le bidonville ne se fait pas en une fois ; pendant 10 ans il prend des photos régulièrement : la vie des gens dans le bidonville, l’état des baraquements, la construction et l’aménagement des villes tout autour…
Et depuis 1956 il témoigne, diffuse ses images : la presse d’abord, l’édition ensuite (Un Nanterre algérien, publié en 1995 aux éditions Autrement et reprenant plusieurs de ses photos), puis des expositions (au Musée national de l’histoire de l’immigration dans l’exposition permanente Repères, mais aussi dans des expositions à Nanterre et ailleurs).
Raconter l’histoire à travers la photographie
Il le dit très clairement, il n’est pas un artiste mais un journaliste. Ce qu’il cherche, c’est raconter une histoire à travers ses photographies, ce qui l’intéresse c’est la vie des gens, ce qui lui importe c’est de montrer ce qui se passe : conditions de vie, conditions de logement, conditions de travail. Les mouvements d’une époque l’interpellent également et il en rend compte à travers des photographies de manifestations : manifestations de travailleurs, manifestations anti-racistes, manifestations anti-nucléaires…
Quand il s’attache à un sujet, il essaie de le traiter dans sa globalité : si le plus souvent la presse publiait une ou deux images, son travail est beaucoup plus large. Pour traiter un thème comme le nucléaire par exemple il a photographié les centrales, leur construction, leur fonctionnement, mais aussi les effets sur la nature, sur les villages environnants, les réactions des populations, etc.
Le thème de l’immigration, il y arrive par le biais de celui du travail : en allant faire des reportages dans les usines, sur les chantiers, il trouve tout naturellement des immigrés qu’il photographie au même titre que les autres.
Conditions de travail, conditions de logement, manifestations pour la défense de leurs droits, cours d’alphabétisation, groupes de femmes, les thèmes et les rencontres sont nombreux.
Entretien avec Jean et Madeleine Pottier. Propos recueillis en décembre 2015 par Anne Volery et Fabienne Muddu. Entretien, texte et montage : Anne Volery
En savoir plus
- Le site Internet de Jean Pottier
- Douze photographies de Jean Pottier font parties des collections du Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration. Voir les photographies
- Il a déposé une partie de son fond à la BDIC (notamment ses reportages sur le bidonville de Nanterre et sur les obsèques des victimes de Charonne, sur les manifestations anti-racistes, sur les cours de français pour immigrés). On peut accéder à la présentation générale du fond photo de la BDIC ou à une sélection de photographies de Jean Pottier disponibles en ligne sur le site de l'Argonnaute
- Une autre partie de son fond est géré par l'agence Kharbine-Tapabor (site de l'agence)