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Des étrangers se retrouvent dans les trois ordres de la société d’Ancien Régime (noblesse, clergé, tiers état). Néanmoins, ils n’ont pas les mêmes droits que les sujets du roi nés dans le royaume, appelés les « régnicoles ».
En 1789, la Révolution française instaure la citoyenneté politique, fondée sur la reconnaissance de nouveaux droits civils et politiques. Les étrangers, qui jouissent de la liberté d'expression et de réunion, demeurent exclus du droit de vote. Ils ont toutefois la capacité de s’agréger au corps des citoyens français : la Révolution française simplifie leurs conditions d’accès à la naturalisation et à l’exercice de fonctions publiques.
Dans ce contexte révolutionnaire, près de 150 000 « émigrés » français, partisans de la monarchie ou craignant pour leur vie, choisissent l’exil et espèrent reconquérir la France à l'Ancien Régime. Ces « émigrés » seront plus tard déchus de leurs droits civiques et privés de leurs biens.
Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, d’autres types de migrations se poursuivent, reliant la France métropolitaine aux colonies. Alors que la traite transatlantique est à son apogée, nombre de colons gagnent la métropole ou le continent américain après la révolte des esclaves à Saint-Domingue (1791) et la première abolition de l’esclavage (1794). La fluctuation des frontières européennes liée aux guerres napoléoniennes entraîne, sous le Premier Empire (1804-1815) ainsi qu’au début de la Restauration (1815-1830), des migrations intracontinentales : conscrits français, soldats étrangers, prisonniers de guerre, exilés politiques et travailleurs venus de pays voisins.
Repères chronologiques
Adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Début de l’émigration vers l’étranger de Français opposés à la Révolution ou fuyant ses troubles.
À Saint-Domingue, révolte qui conduit, deux ans plus tard, à l’abolition de l’esclavage dans la colonie puis, en février 1794, dans l’ensemble du territoire français.
Alors que la République est menacée à l’extérieur comme à l’intérieur, des mesures de surveillance et d’exclusion visent les étrangers, assimilés à des « suspects ».
Amnistie des « émigrés » français ; rétablissement de l’esclavage dans les colonies par Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul.
Adoption du Code civil napoléonien : la nationalité française met l’accent sur le droit du sang (filiation paternelle) et porte à dix ans le délai nécessaire de domiciliation pour demander la naturalisation.
Les étrangers et la naissance de la citoyenneté politique
Avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (août 1789), les sujets du roi deviennent des citoyens. Les étrangers, auparavant qualifiés d’« aubains », « forains » ou « horsains », étaient frappés d’incapacité civile et politique. À partir d’avril 1790, ils peuvent obtenir la qualité de Français à condition de prêter un serment civique et d’avoir résidé cinq ans de manière continue dans le pays. Les étrangers s’impliquent alors dans les administrations et les nouvelles formes de sociabilité citoyenne (fêtes révolutionnaires, clubs politiques). Au printemps 1793, en raison de la guerre contre les monarchies européennes, ils sont cependant placés sous surveillance et frappés de mesures d’exclusion. La Constitution montagnarde du 24 juin 1793, jamais appliquée, reconnaît symboliquement l’asile donné aux défenseurs de la liberté.
Les étrangers dans la Révolution
En vertu du décret Target d’avril 1790 et de la Constitution de septembre 1791, les étrangers, à condition de résider en France depuis au moins cinq ans, peuvent devenir des citoyens français. Ceux qui ont « œuvré pour la liberté » peuvent obtenir une naturalisation exceptionnelle. L’Américain Thomas Paine ou le Prussien Anacharsis Cloots, « citoyen du genre humain », sont ainsi élus à la Convention en 1792, avant d’être victimes de la Terreur : le premier purge une peine de prison puis regagne les États-Unis ; le second est guillotiné le 24 mars 1794.
L’émancipation des Juifs
Avant la Révolution, on compte, en France, environ 40 000 Juifs. Ils sont essentiellement établis en Alsace, en Lorraine, dans le Sud-Ouest, à Paris ainsi que dans le Comtat venaissin (enclave pontificale autour de Carpentras). Frappés d’incapacité juridique, ils sont assimilés à des étrangers. En janvier 1790, après de vifs débats, l’Assemblée nationale vote l’émancipation des Juifs du Midi puis, en septembre 1791, celle de tous les Juifs de France. Ils deviennent alors des Français dotés du statut de citoyens actifs, donc du droit de vote.
Les émigrés
Durant la décennie révolutionnaire (1789-1799), près de 150 000 personnes, contre-révolutionnaires ou réputés tels, princes et nobles, membres du clergé et roturiers, quittent la France pour d’autres pays d’Europe, pour l’Amérique et pour les Caraïbes. La Convention « bannit à perpétuité » les émigrés qui ne seraient pas rentrés dans les délais impartis par la loi. Ils sont frappés, en 1793, de « mort civile ». Une amnistie, accordée en 1802 par Napoléon Bonaparte, permet à des dizaines de milliers d’émigrés de rentrer en France, sans qu’ils recouvrent pour autant tous leurs droits.
La révolution de Saint-Domingue
En 1791, dans la colonie française de Saint-Domingue (actuel Haïti), une révolte d’esclaves se transforme en révolution. Pour des motifs variés, elle provoque d’importantes migrations vers les Caraïbes et l’Amérique du Nord. Il peut s’agir de colons blancs, d’esclaves noirs emmenés de force par leurs maîtres, de « libres de couleur » (esclaves affranchis et leurs descendants). Entre 1791 et 1815, ils sont 15 000 à fuir Saint-Domingue pour la Louisiane. Dans l’espoir de rallier les esclaves révoltés à la cause républicaine, l’esclavage est aboli à Saint-Domingue en 1793, décision étendue à toute la France l’année suivante. Dès 1802, cependant, l’esclavage est rétabli par Napoléon Bonaparte et les « gens de couleur » n’ont plus le droit de porter le titre de citoyen français.
Travailleurs et exilés
Après le coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799) et la proclamation du Premier Empire (18 mai 1804), la France napoléonienne continue d’accueillir des étrangers sur son sol. Le Code civil redéfinit les conditions d’accès à la naturalisation : les étrangers doivent être domiciliés sur le territoire depuis au moins dix ans s’ils souhaitent devenir Français. En pratique, rares sont ceux qui demandent et obtiennent la naturalisation, car celle-ci exige de se soumettre aux obligations militaires. La plupart des étrangers optent donc pour le statut de l’« admission à domicile » créé par le Code civil et qui confère, pour une durée déterminée, des droits civils. Les courants migratoires se poursuivent encore sous la Restauration : dans la première moitié du XIXe siècle, la France est le premier pays d’immigration en Europe.
Joseph Agoub, fils de réfugié « égyptien »
C’est un enfant de six ans qui arrive en France en 1801. Il se nomme Joseph Agoub (1795-1832) et fait partie d’un groupe de réfugiés dits « égyptiens », chrétiens et musulmans venus de tout le pourtour oriental de la Méditerranée, qui repartiront avec les troupes françaises après l’échec de la campagne d’Égypte menée par Napoléon Bonaparte. Joseph Agoub vit tout d’abord à Marseille puis s’établit en 1820 à Paris où il devient un professeur d’arabe renommé et un écrivain réputé dans les milieux orientalistes.