41848
Sous la monarchie de Juillet (1830-1848), l’accueil des étrangers en France connaît un tournant important. La révolution libérale des Trois Glorieuses suscite l’arrivée de milliers d’exilés politiques européens (majoritairement des Polonais fuyant la répression russe). En 1832, une première loi sur les « réfugiés » consacre la reconnaissance de cette catégorie administrative qui isole un groupe circonscrit d’étrangers plus surveillé que d’autres.
En 1848, la révolution de février met fin à la monarchie et la Seconde République adopte le suffrage masculin. Les conditions de naturalisation sont alors assouplies. Pour la première fois, en 1851, les étrangers sont dénombrés lors du recensement de la population. Ils s’impliquent dans la vie culturelle du pays. Ils s’engagent en politique comme dans les insurrections et révolutions qui rythment le XIXe siècle.
L’année 1848 voit aussi se développer les migrations à destination des colonies. La conquête de l’Algérie, à partir de 1830, avait été sanglante et sa colonisation, hésitante. Après la défaite de l’émir Abdelkader, la Seconde République divise le nord de l’Algérie en trois départements. L’État y souhaite la venue de colons français mais une grande partie de ceux qui s’y installent sont issus d’îles et de régions pauvres de la Méditerranée. C’est également en Algérie que la République, devenue conservatrice après l’été 1848, cherche à déporter ses indésirables mais les tentatives de colonisation pénitentiaire échouent.
Repères chronologiques
Adoption en mars 1832 d’une première loi sur les « réfugiés » qui généralise leur assignation à résidence dans les départements, à bonne distance de la capitale.
Seconde République : octroi du droit de vote aux citoyens de sexe masculin et seconde abolition de l’esclavage dans les colonies.
Transformation du nord de l’Algérie en départements français (Alger, Constantine, Oran) ; les migrations française et européenne vers cette colonie sont encouragées.
Adoption du double droit du sol : est français, à la naissance, tout individu né en France d’un parent étranger lui-même né sur le sol français. Il lui est possible de renoncer, à sa majorité, à cette nationalité.
Selon le recensement qui dénombre, pour la première fois, les étrangers, ces derniers constituent 1% de la population.
Coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte qui force quelque 10 000 républicains français à s’exiler.
Commune de Paris : de nombreux étrangers participent à cette insurrection contre le gouvernement d’Adolphe Thiers. Au lendemain de sa répression, près de 4 000 communards sont déportés en Nouvelle-Calédonie, où ils rejoignent les 2 000 Algériens déportés après les insurrections de 1864 et 1871.
Les réfugiés étrangers : naissance d’une catégorie administrative
Après la révolution des Trois Glorieuses à Paris en juillet 1830, des milliers d’exilés convergent vers le pays. Plus de 7 000 étrangers obtiennent le titre de réfugiés ainsi qu’une aide financière. Le gouvernement les assigne à résidence au sein de « dépôts » situés dans des villes éloignées de la capitale et des frontières extérieures.
L’année 1848 est marquée par les révolutions du « printemps des peuples ». Après la proclamation de la République, en février, de célèbres proscrits étrangers, comme Karl Marx, gagnent ou regagnent la France. Le nouveau régime octroie la naturalisation de manière plus libérale mais, dès l’année suivante, la République, devenue conservatrice, restreint leurs conditions d’accueil.
Implications politiques et culturelles
Dans la première moitié du XIXe siècle, les étrangers prennent part à la vie culturelle foisonnante de l’époque romantique. Sans même bénéficier de droits politiques, ils s’impliquent dans le débat d’idées, notamment dans le cadre de la presse : en 1849, le poète polonais Adam Mickiewicz fonde La Tribune des peuples, journal doté d’une rédaction cosmopolite. L’engagement des étrangers prend aussi des formes moins pacifiques : on retrouve sur les barricades de la Commune de Paris (printemps 1871) des étrangers comme le général polonais Jarosław Dombrowski, la militante russe Élisabeth Dmitrieff ou le bijoutier hongrois Léo Frankel.
Des étrangers plus visibles
En 1844 paraissent en feuilleton illustré Les Étrangers à Paris qui mettent en lumière la variété des étrangers établis ou de passage dans la capitale. On y trouve, parmi d’autres, un voyageur anglais fortuné, un jeune ramoneur venu de Savoie, alors possession du royaume de Sardaigne, ou encore un proscrit espagnol. Les étrangers, davantage représentés dans la littérature, gagnent en visibilité. En mars 1851, les étrangers sont dénombrés pour la première fois dans le recensement national. Ils représentent alors 1% de la population sur l’ensemble du territoire et 6% à Paris. De nouvelles formes de contrôle leur sont imposées : bulletin individuel pour les réfugiés ou permis de résidence pour les étrangers souhaitant s’installer dans les grandes villes.
Seconde abolition de l’esclavage
Le décret du 27 avril 1848 abolit pour la seconde fois dans les colonies françaises l’esclavage, défini comme un « attentat contre la dignité humaine ». Les Français qui continueraient de pratiquer la traite ou l’acquisition de nouveaux esclaves s’exposent à la « perte de leur qualité de citoyens français ». Les droits civils et civiques sont octroyés aux esclaves affranchis des « vieilles colonies » (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Sénégal) mais leur mobilité reste très contrôlée.
Pour remplacer les esclaves, les plantations recourent massivement au système de l’« engagisme » : souvent endettés, les « engagés » africains et asiatiques signent des contrats de travail draconiens pour rejoindre les colonies françaises dans lesquelles ils sont contraints de demeurer.
De nouveaux statuts apparaissent dans les colonies qui n’avaient pas été terres d’esclavage, comme l’Algérie française. En 1881, une loi définit un régime pénal d’exception applicable aux « indigènes ». Véritable marque de domination coloniale, le Code de l’indigénat est appliqué dans de nombreuses parties de l’Empire.
La création de la Légion étrangère
Avant même que l’armée ne soit considérée comme le creuset de la nation, permettant le brassage de populations diverses, les métiers des armes étaient largement ouverts aux étrangers. La loi du 9 mars 1831 marque ainsi la création de la Légion étrangère. Elle recrute parmi les milliers d’exilés (dont des opposants politiques polonais, belges ou italiens fuyant leur pays). Cet engagement leur permet d’échapper au désarmement ainsi qu’aux contrôles réservés aux réfugiés politiques. La Légion étrangère participe à la conquête de l’Algérie.
La déportation dans les colonies
Opposants politiques et condamnés de droit commun sont déportés dans les bagnes de l’Empire colonial français. Au lendemain des journées de juin 1848, plus de 400 ouvriers insurgés ont pris les armes contre une République jugée trop conservatrice : par mesure de répression, ils sont déportés en Algérie. D’autres bagnes sont ouverts : à partir de décembre 1851 en Guyane puis, après 1863, en Nouvelle-Calédonie. Y sont envoyés les condamnés de droit commun mais aussi les déportés politiques, communards parisiens et rebelles de Kabylie après les insurrections de 1871.
L’installation de colons en Algérie
Après la prise d’Alger de 1830, la France poursuit la conquête coloniale de la région. Travailleurs, exilés ou mercenaires européens s’y installent peu à peu. La France cherche à attirer des colons français pour occuper des terres dont les propriétaires musulmans ont été expropriés. Mais peu de Français répondent à l’appel. La moitié des colons d’Algérie viennent des terres pauvres de Méditerranée (Pays valencien, Baléares, Sicile et Malte), attirés par l’espoir d’une vie meilleure.