La Rive africaine
de Rodrigo Rey Rosa, traduit de l’espagnol (Guatemala) par Claude-Nathalie Thomas, Gallimard, 2008, 177 pages, 16,50 euros
Voilà le septième roman traduit en français pour cet auteur guatémaltèque proche, en son temps, de Paul Bowles, et qui se réclame de Borgès. Ce court texte à l’écriture limpide laisse perplexe. Une chouette en est le personnage principal : achetée, on tentera de la voler dans la médina de Tanger ; blessée, elle sera soignée pour devenir objet d’un troc sexuel peu ragoûtant.
Quelle histoire ! Elle sera le lien entre Hamza, jeune berger marocain, et Angel, touriste colombien. “Tout le monde sait que les chouettes ne dorment pas la nuit, et qu’elles voient dans l’obscurité. Donc, si l’on a décidé de veiller toute une nuit, il est bon de capturer une chouette et de lui arracher les yeux.” Hamza est justement chargé par son oncle d’une nocturne mission de surveillance sur la plage. Angel, lui, a perdu son passeport. Document officiel s’il en est... Objet de toutes les convoitises sur cette rive africaine, mais dont la mystérieuse disparition sera, pour notre Sud- Américain, le prétexte à un nouveau départ. On nous dit – sur la quatrième de couverture notamment – qu’il est question ici de migrants et d’identités transitoires, dans cette partie du monde où le Nord et le Sud se confondent presque. Bien sûr, nous sommes à Tanger, à un saut de puce du fameux détroit de Gibraltar, mais enfin, dans le livre, ces sujets sont quelque peu évanescents, ténus au point que le lecteur est contraint à de redoutables efforts d’imagination. Cela est peut-être le but recherché par l’auteur. Texte énigmatique, histoire anorexique, émaillée de considérations éparses aussi légères qu’obscures présentant le visage d’un Maroc plutôt violent, gagné ou menacé par l’islamisme – se référer aussi à l’affaire Nadia Yacine – et la chasse aux clandestins. Le sexe, subi ou lucratif, et le kif servent de toile de fond... Il paraît que le rêve, important dans l’œuvre de l’auteur, se mêle à réalité... Dans sa docte et savante préface à l’édition espagnole(1), le critique et éditeur Pere Gimferrer compare Rive africaine aux 1001 Nuits, et cite même à son propos le philosophe Wiggenstein. Tout est donc possible.