Le jeu des langues
Les langues et les pratiques linguistiques constituent une dimension structurelle des cultures et des constructions identitaires. Dans un contexte migratoire, elles jouent un rôle fondamental dans la relation qui s’instaure entre le “bagage” linguistique des migrants et la ou les langues pratiquées dans la société d’immigration. Que ce soit l’acquisition nécessaire de la langue d’accueil par le migrant, gage d’une insertion rapide et réussie, ou bien la transmission d’un héritage linguistique d’une génération à l’autre, ces processus varient selon les individus, leurs cercles familiaux et selon l’image que ces langues “importées” véhiculent dans leur nouvel environnement. Malgré de fortes amplitudes, il y a toujours une part de négociation entre la langue gagnée et la langue perdue, ou la langue retrouvée, même si, aujourd’hui, les compétences des personnes bilingues ou multilingues s’avèrent être un atout économique important, sous-valorisé en France, et ne réclament plus de se dessaisir d’une langue pour en maîtriser une autre. La pluralité linguistique apparaît d’autant plus active que les langues d’immigration ne sont pas dévalorisées dans la société d’accueil.
Très souvent, une revue comme Hommes et Migrations appréhende le traitement de la dimension linguistique des dynamiques migratoires selon l’approche technique des spécialistes en la matière. Le mérite de ce dossier coordonné par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, avec la participation de l’Observatoire des pratiques linguistiques, est d’avoir su adopter un langage simple pour décrire des phénomènes linguistiques parfois complexes.
La rédaction remercie également la Délégation d’avoir soutenu la diffusion du documentaire de Daniel Bouy intitulé “Je veux apprendre la France” qui apporte un complément sensible au dossier.
Dans un dossier paru en 2004, la revue prenait acte d’une reconnaissance progressive par l’État français de certaines langues d’origine étrangère parmi les “langues de France”, telles que l'arabe maghrébin, le berbère, le yiddish, etc. Ce tournant vers une pluralité linguistique affirmée correspondait à la montée en puissance de la diversité culturelle comme caractéristique d’une culture française longtemps perçue comme homogène ou peu exposée aux contributions des populations migrantes, présentes pourtant sur le territoire depuis plus de deux siècles.
Dans ce dossier, les explorations vont plutôt vers la pluralité linguistique, qu’elle soit pratiquée et transmise dans les familles immigrées ou bien encouragée à travers des programmes d’enseignement, des actions de médiation sociale ou culturelle et dans les créations littéraires.
La dimension comparative permet de comprendre comment se combinent ces usages des langues dans plusieurs contextes géographiques, en Europe et aussi au Québec.
L’illustration du dossier, une fois n’est pas coutume, a été confiée à une jeune dessinatrice, Isabelle Niot, dont les dessins se mêlent aux productions d’un atelier de gravure destiné à des enfants de la Goutte d’Or. Qu’ils soient tous remerciés d’avoir apporté ainsi une tonalité poétique à cette publication.