Mascarades
Film algérien de Lyès Salem (2008)
Il nous arrive peu de nouvelles du cinéma algérien. Encore moins de nouvelles réconfor- tantes(1). Alors, ne boudons pas notre plaisir devant ces Mascarades proposées par le jeune Lyès Salem, réalisateur algéro-français dont c’est le premier long-métrage après deux courts extrêmement prometteurs : Jean-Farès, en 2001, et Cousines, en 2003. Ici, pas de constat désespérant sur un pays exsangue après des années de guerre civile, mais une sorte de chronique apaisée, fausse- ment intemporelle, avec ce qu’il faut de points de repères et de brouillage de pistes. Il importe d’être constant, critique et fantai- siste. Lyès Salem, qui est féru de théâtre et a pratiqué le Conservatoire, nous invente une comédie à l’algérienne, digne du répertoire, pastiche actualisé des farces de Molière ou de Goldoni. Plantons d’abord le décor. Passons vite sur la mosquée, dominant une fois pour toutes le paysage comme une évidence, alors que les vieux fidèles sirotent sur la place et que les jeunes s’activent à poser des guirlandes qui intègreront le minaret aux réjouissances publiques. Dans une nuée de poussière surgit une autre divinité des lieux, qui soulève l’émotion. Un cortège de berlines rutilantes et fleuries, célébrant quelque mariage, ou naissance, ou circoncision. C’est l’invisible colonel, potentat local qui fait ainsi fructifier sa gloire passée et perpétue son pouvoir. Il ne terrorise plus la contrée, il loue des voitures hors de prix et entretient une roseraie. Dans ce climat prospère, Mounir, “technicien horticole”, bellâtre, hâbleur et moustachu – l’auteur s’est réservé ce rôle avantageux –, grand fournisseur d’esbroufe pour la galerie mais faisant profil bas devant sa femme, la piquante Habiba – Rym Tabouchi –, qui porte le voile quand ça lui chante et sait combien les temps sont durs pour s’équiper d’un micro- ondes. Ombre au tableau : Rym – Sarah Reguieg –, la sœur de Mounir, jolie célibataire atteinte de la maladie du sommeil et dont tout le monde se moque. Personne ne sait qu’elle sort de sa léthargie dans les bras de Khelifa – Mohamed Bouchaïb –, un proche de la famille, trop hum- ble gérant d’un vidéo-club. Inépuisable Scapin, Mounir a plus d’un tour dans son sac. Il invente un richissime préten- dant, William Vancooten, un Occidental tombé du ciel dans un cinq étoiles de la contrée. Le village exulte et Mounir a tout juste le temps de retrousser ses bacchantes calabraises devant les jaloux devenus pour un temps courtisans. Vous devinez le dénouement ! On aura bien rigolé, sans offusquer personne. Même pas le mufti, qui donnera sa bénédic- tion à ce mariage dérangé et au réveil d’une verve algérienne que l’on croyait tombée dans les oubliettes.
1. Exemple rapporté par la presse (Thomas Sotinel dans Le Monde du 10-12-2008) : la diffusion dans le pays est dans un état de totale déshérence. On est passé de plus de 400 salles en 1962 à une dizaine aujourd’hui !