Moi, Dieu merci, qui vis ici
de Thierry Lenain et Olivier Balez (illustrations), Albin Michel Jeunesse, 2008, 13,50 euros
Thierry Lenain et Olivier Balez récidivent. Après Wahid, paru en 2003 chez le même éditeur, ils publient Moi, Dieu merci, qui vis ici, un texte et des illustrations trempés dans le même bain, celui de l’humanisme et du refus de l’indifférence. Tous deux vont à l’essentiel, droit au cœur et à l’intelligence. Dieu merci est un gamin angolais pris dans la tourmente de la violence. Orphelin, blessé, il sera séquestré par des militaires. Riche d’un seul viatique, une formidable énergie vitale héritée de son grand-père, il fuit pour survivre. Il parvient à gagner la France où, quelles que soient les vicissitudes de son quotidien, il est au moins vivant. Sans papiers, il se retrouve sans toit et sans rien à manger. Mais Dieu merci n’appartient pas à cette “foule de têtes baissées trop habituées à se presse”. Aussi saura-t-il entendre l’appel d’une vieille femme dans le besoin. L’illustration, aux allures d’affiches illustrées, naïve en apparence, est constituée d’aplats de couleurs qui occupent toute la page, voire la double page. Les dessins sont colorés, les contours marqués. Les couleurs sont simples mais précises et choisies : l’Afrique chatoyante de la princesse Nzingha s’efface sous les ocres, le rouge feu, les tons sombres, mordorés ou noirs, de la guerre, de la peur, du danger et de la solitude ; le blanc devient celui de la vie, celui de l’infirmerie et celui de la vieille dame sauvée par Dieu merci, celui de la survie aussi ; le bleu de la traversée précède le retour de ce même ton brun qui dit la solitude de Dieu merci, allongé sur un banc public dans une France colorée, paisible mais indifférente. Il n’y a pas – heureusement, a-t-on envie d’écrire – de happy end qui fermerait la porte à la réflexion et à l’imaginaire. Bien au contraire. Si le destin de Dieu merci n’est pas tragique, il n’est pas pour autant sans ambiguïtés. C’est dans les non-dits du texte, les subtilités du dessin que se nichent les failles de l’existence et du monde.