Nassira El Moaddem, Les filles de Romorantin
Paris, L’Iconoclaste 2019, 208 pages, 17 €.
Nassira est journaliste. Nassira est parisienne, installée au centre de la capitale avec mari et progéniture. Nassira est une bourgeoise. Nassira a fait deux grandes écoles, rescapée de ce qu’elle nomme le « tri sélectif » de l’éducation nationale. Nassira est solognote. Romorantin est son « pays, sa terre natale ». Mais, à l’heure des premiers entretiens d’embauche, nom, prénom et physique mêlés rappellent moins la tarte Tatin que la semoule et le thé à la menthe chez ses interlocuteurs en retard d’une ou deux sociétés.
La trentaine arrivée, l’auteure se propose de faire un tour, non pas de l’autre côté du périph’ – c’est fait – mais du côté de la « France périphérique ». Exit les « racailles » des villes, bienvenus aux « bouseux » des champs. « Ma Sologne et les banlieues partageaient bien plus de difficultés communes qu’on ne pouvait l’imaginer. Je le sais, je l’ai vu, vécu. » D’une relégation l’autre. Nassira el Moaddem ferait-elle sa Florence Aubenas ? Un peu tout de même, notamment en endossant la blouse de femme de ménage au Center Parc voisin.
En choisissant Romorantin comme terrain d’enquête, l’auteure revisite son enfance. Retour au bercail pour mesurer le chemin parcouru, comparer, interroger la différence de trajectoire, avec cette autre « fille de Romorantin », Caroline, son amie de l’école primaire : « L’une est restée, l’autre est partie. » « Caro est ouvrière, je suis journaliste. J’étais fille d’ouvrier, je suis devenue parisienne de la classe moyenne. Elle était fille de commerçante, elle est devenue ouvrière. »