Saimir
Film italien de Francesco MUNZI (2007)
N’en déplaise aux augures funéraires, le néoréalisme italien, à plusieurs occasions, renaît de ses cendres et retrouve la veine de ses sources. On avait signalé, entre autres, le cas intéressant de Vincenzo Marra (Tornando a casa, 2004, H&M, n° 1249 ; Vento di terra, 2005, H&M, n° 1258). Voici Francesco Munzi, jeune réalisateur trentenaire qui, après plusieurs courts métrages, nous offre un premier film attachant, respectant les lois du genre : mi-documentaire, mi-fiction, interprété soit par des acteurs de métier, soit par des non-professionnels et s’ancrant dans un contexte très contemporain. Comme beaucoup d’œuvres actuelles en provenance de la péninsule, Saimir aborde le thème récurrent de l’immigration clandestine, où l’Italie d’aujourd’hui voit, sans doute, comme l’inversion de sa propre histoire. Nuit d’hiver sinistre quelque part sur la côte du Latium, où, l’été, se prélassent les estivants. Une poignée d’Albanais transis et désorientés est débarquée sur cette terre inhospitalière. Rudoyés par leurs passeurs, ils sont dirigés vers des camions qui vont les disséminer dans des domaines agricoles, consommateurs de main-d’œuvre clandestine. Premier contact démoralisant avec la “terre promise”, loin de la douceur de Rome, des lumières de Milan, de l’opulence de l’Europe. Edmond (Xhevdet Feri), lui-même immigré de plus longue date, mais encore en situation irrégulière, participe à ce trafic. Il est propriétaire d’une camionnette bâchée apte au transport discret des nouveaux arrivants. Quand il aura amassé un petit capital, il épousera Simona (Anna Ferruzzo), ce qui lui conférera enfin la nationalité et la possibilité d’effectuer un travail plus licite. Son fils Saimir (Mishel Manoku), encore en âge d’être scolarisé, lui donne un coup de main. Mais on voit bien que l’adolescent, rêveur et rebelle, renâcle à cette vile besogne. Néanmoins, comme il faut bien vivre, il s’autorise d’autres entorses à la légalité. En compagnie de ses copains gitans, il se livre à quelques larcins, histoire d’améliorer l’ordinaire et de mettre du carburant dans la mobylette et bientôt de briller devant la jolie Michela (Lavinia Guglielman). Et puis, de façon assez parallèle, les parcours du père et du fils vont dangereusement se précipiter et se heurter jusqu’au désastre final. Tous deux vont passer à la vitesse supérieure de la délinquance. Le père passeur d’hommes, sans gros risques, se compromet dans un détournement de mineures. Le fils en proie au dépit amoureux et renvoyé à son statut de paria, passe du vol à la tire au cambriolage des riches villas du littoral. Toute honte bue, Il n’y aura plus, pour l’adolescent repentant et révolté, d’autre alternative que la trahison des siens. Un film qui frappe fort et juste. Avec des coups qui restent sur la conscience. On est certes dans la lignée du néoréalisme à l’italienne, mais aussi dans une proximité très classique et très moderne avec Pasolini et les frères Dardennes.