Terrorisme, islam et immigration : quelles relations ?
Au moment où ont lieu les commémorations des événements sanglants de 2015 et 2016, la revue Hommes & Migrations a choisi de publier un dossier sur les ondes de choc provoquées par ces attentats tragiques. Elle s’est interrogée plus spécifiquement sur les relations établies entre terrorisme, islam et immigration. L’analyse s’est d’abord centrée sur les discours véhiculés par la presse en France et à l’étranger. Pour décrypter la genèse des attentats, les médias ont suscité beaucoup de témoignages et interrogé des spécialistes de plusieurs disciplines. Ils ont proposé des cadres d’interprétation différents – islamisme radical, révolte nihiliste générationnelle, injustice ou relégation sociales, socialisation dans la violence, discriminations postcoloniales – qui ont entretenu la polémique et renforcé, par des représentations instables et fluctuantes, l’incertitude vis-à-vis d’une jeunesse en rupture avec la société française. Dans quelle mesure les débats contradictoires véhiculés par les médias sur les actes terroristes contribuent-ils à entretenir un sentiment d’insécurité dans l’opinion publique, déjà crispée autour de l’altérité et en proie aux réflexes identitaires ou populistes ? Un chantier utile de recherches pourrait s’ouvrir sur la réception et, plus généralement, sur les usages de ces discours médiatiques dans les réseaux sociaux. D’autres articles portent sur les parcours chaotiques des individus impliqués depuis 2012 dans des attentats terroristes en France. Ils questionnent le « lien empirique et visible » entre radicalisation des jeunes et problématiques migratoires. Même si la majorité d’entre eux sont des descendants d’immigrés de nationalité française, leur mobilité spatiale dans un contexte transnational leur a permis de se forger des « compétences djihadistes ». La lutte contre les actes terroristes semble donc se déployer dans une société mondialisée où la religion est devenue l’étendard d’une guerre contre le matérialisme et le consumérisme de la civilisation occidentale. Si les processus de radicalisation réclament un cadre d’analyse international, comment développer des collaborations inter-gouvernementales et, ainsi, inverser la progression d’une « mondialisation du ressentiment » contre l’Occident ?
Enfin, ce dossier questionne les conditions de l’action publique dans les espaces urbains dégradés. Les attentats ont interpellé les acteurs intermédiaires en charge des dispositifs territoriaux dans leur capacité à diagnostiquer les situations, notamment celles des jeunes générations, à légitimer leurs interventions et à déployer les ressources adéquates pour assurer leur mission de service public. Jacques Toubon, le Défenseur des Droits, qui a accepté de faire un état des lieux de son action, mentionne qu’« aujourd’hui, on se heurte à un discours unique et à un agenda des programmes politiques qui donne la priorité à l’identité. Cette situation a été réactivée par les événements tragiques de 2015 et 2016 mais son origine se situe bien en amont, il y a dix à quinze ans déjà ». Les travaux sur la radicalisation des jeunes devront très vite fournir aux décideurs des politiques publiques des connaissances pouvant orienter les dispositifs de déradicalisation à mettre en place. Les ondes de choc des attentats mettent en lumière la nécessité de développer des passerelles opérationnelles entre le monde la recherche et les décideurs publics a n d’articuler davantage leurs interventions.
La rédaction remercie Urbs d’avoir autorisé la publication de dessins destinés à Charlie Hebdo. L’humour fournit à la fois une certaine légèreté, propre à contrebalancer la tonalité des articles, et nous rappelle qu’il constitue toujours une garantie pour la liberté d’expression.