Une solitude peuplée
Ce que peut la littérature, pourrais-je, de manière un peu tautologique, hasarder, c’est dire ce qu’aucune autre parole que la sienne n’est en mesure de dire sur une expérience humaine. Je crois qu’il y a, pour toute expérience de notre condition, une part de vérité que la littérature seule peut chercher, dévoiler, révéler. Là est son privilège ; là est aussi sa modestie. C’est une telle idée qui a guidé l’écriture de Silence du chœur lorsque, fin 2015, dans un petit village sicilien où un ami poète m’avait conduit et où je rencontrai plusieurs réfugiés qu’on y accueillait plus ou moins facilement, j’ai eu l’intuition que c’était par la fiction littéraire que je parviendrais le mieux à transfigurer ce réel-là, celui du drame des migrants, pour en révéler la complexité, en montrer la densité anthropologique, en dire à la fois la singularité et l’universalité.
C’est aussi cette idée qui m’accompagnera lors de cette résidence au Musée national de l’histoire de l’immigration. Celle-ci sera pour moi, au-delà des différents enjeux et projets qui en constitueront le programme, une manière autre, collaborative, pratique, ouverte, hétérotopique, de poursuivre le défrichage et le déchiffrage de quelques questions nées dans l’écriture : Que peut-on savoir d’une personne qui part ? Arriver est-il plus difficile que partir ? Qu’est-ce qu’accueillir et qu’est-ce qu’être accueilli ? Que peut-on dire sur l’indicible de l’exil ? Y a-t-il une langue universelle de l’exil ? Ce ne sont là que quelques questions que j’aimerais creuser lors de cette résidence. D’autres naîtront des échanges que j’y aurai ; certaines se transformeront, se préciseront, s’étofferont. L’essentiel, pour moi, sera d’accompagner une réflexion littéraire régulière et participative dans les activités du Musée.