Article de dossier/point sur

Devenir propriétaire pour échapper aux discriminations ?

Socio-anthropologue, professeure des universités, université de Rouen, DYSOLAB, fellow de l’Institut Convergences Migrations
Sociologue, chargée de recherche au CNRS, université de Tours, CITERES, fellow de l’Institut Convergences Migrations
Associate Professor en Sociologie, York University, Glendon Campus

Être propriétaire de son logement ou chercher à le devenir représente un des marqueurs de l’ascension sociale : la constitution d’un patrimoine, le statut résidentiel valorisé, accentuent la distance avec les classes populaires. Pour les immigrés, l’accession à la propriété dans le pays d’installation est de surcroît associée à l’idée d’une « intégration réussie ». En France, près d’un tiers des immigrés sont propriétaires, une proportion stable depuis 30 ans. Pourtant, la figure du migrant propriétaire est quasiment absente de la sociologie urbaine et de celle des migrations, à l’exception de quelques travaux importants dans les années 1990, mais méconnus, portant sur des groupes immigrés spécifiques (congolais, algériens, marocains). Elle apparaît parfois au détour de monographies sur des quartiers spécifiques. En rupture avec le profil de l’immigré non qualifié, le phénomène semble indiquer la consolidation de positions sociales que l’on pourrait associer à grands traits aux classes moyennes, puisque devenir propriétaire suppose de mobiliser certaines ressources sociales, techniques, économiques et administratives. L’accession à la propriété est-elle le marqueur de la progression d’une nouvelle classe moyenne issue de l’immigration ? Observer les conditions dans lesquelles les personnes immigrées sont devenues propriétaires invite à poser un regard critique sur ce phénomène.

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