Éditorial

Le partage au cœur du musée

rédactrice en chef de la revue

Un musée, lieu de questionnements

Les échanges du colloque ont mis au jour le fait qu’il n’existe pas de modèle universel mais des musées à « géométrie variable ». Les conceptions des musées divergent du Nord au Sud, en fonction des héritages politiques liés à la construction des États-nations et aux dominations coloniales. Placer le partage au cœur du musée invite à décloisonner les savoirs scientifiques et les pratiques muséales, à interpeler les formes architecturales des bâtiments, à décoloniser les représentations de l’altérité, à collecter une polyphonie de récits et d’œuvres (y compris les luttes et les résistances), et à faire des choix scénographiques ambitieux et tournés vers la médiation et la pédagogie. L’analyse critique de ces nouvelles orientations permet d’entrevoir les musées comme des formes « hybrides », engagées dans un discours de vérité, de justice et de réconciliation, questionnant les relations au monde dans le cadre d’une nouvelle éthique relationnelle.

Une mission démocratique renforcée

Face aux replis identitaires, xénophobes ou nationalistes à l’œuvre, les musées réfléchissent à leur rôle patrimonial et culturel dans la participation active des populations aux collections, mais aussi à la manière dont ils mettent en œuvre les principes démocratiques et favorisent des solidarités à l’échelle mondiale. À l’heure de l’interdépendance des relations, ils s’engagent à déconstruire l’héritage colonial en étroite collaboration avec les sociétés anciennement colonisées. Ils réparent les traumatismes du passé colonial et s’ouvrent aux identités et aux cultures issues des histoires migratoires, perçues comme composantes à part entière dans la fabrique des sociétés contemporaines, sans hiérarchisation des apports, mais dans le respect des droits culturels. Ils participent ainsi à l’élaboration d’un patrimoine commun à l’humanité, à travers des restitutions, des recherches scientifiques sur les provenances des œuvres et des échanges internationaux propices au partage des singularités.

Un portefeuille commun de projets contre le racisme

Le Réseau des musées de migrations comprend aujourd’hui 350 sites répartis sur 65 pays. Réunis au Palais de la Porte Dorée en octobre dernier, ses membres ont réfléchi à l’élaboration d’un portefeuille de projets visant à renforcer leurs capacités à établir des relations plus inclusives avec la société civile et ainsi lutter contre la xénophobie et le racisme qui se répandent comme une nouvelle épidémie mondiale. Ces projets devraient également avoir une plus grande influence sur les politiques migratoires et concourir aux évolutions des imaginaires négatifs sur les migrations.