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Tassadit Imache, Le Voyage empêché

Journaliste

Ce Voyage empêché est un objet littéraire non identifié dans l’œuvre de l’auteure. On connaît la voix singulière de Tassadit Imache depuis la parution, en 1989, d’Une Fille sans histoire jusqu’au Finis d’écrire ! (2020). Au cœur de ses écrits, se déplie l’histoire franco-algérienne racontée à hauteur d’une jeune fille, née en pleine guerre, d’un couple franco-algérien. Devenue femme, elle n’oublie pas l’histoire et le sort des « siens » : l’immigré, le prolo, le relégué des banlieues, le banni des bidonvilles, sans oublier la mère, l’épouse française d’un « gaillard » africain. Tassadit Imache sculpte ces thèmes, entre ombres et lumières, entre hier et aujourd’hui, creuse à la gouge, finement et en profondeur, écrit à l’épure. Malgré – ou grâce – à son économie, sa phrase traduit l’amphibolie, les sens pluriels et parfois contraires des existences, des conditions, de notre société. Cela donne parfois des textes difficiles, qu’il faut lire et relire, pour en saisir la valeur, les nuances. Dès le premier roman, elle fut renvoyée à son nom, un exotisme qui l’excluait du « dedans » en flattant son « dehors ». En fait une réduction : écrivaine algérienne, de banlieue, qui ressasse un passé à congédier, la plume dégoulinant une encre noire. L’étouffant « d’où viens-tu ? » l’assignant à résidence et au fâcheux ; autrement dit à bassiner son lecteur avec son « ADN imaginaire » et sa marche « à rebours ». Elle a dû faire avec les critiques qu’insupportaient ses cris de révolte et ses modulations : trop sombres ou trop compliqués tout ça ! Mais l’auteure est une rugueuse et ne concède rien de l’essentiel, balançant entre la lumière d’un « amour imprévisible » et la misère des « siens », « la source du conflit original ».

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