Samia Messaoudi et Mehdi Lallaoui, Mémoires pour l’égalité et la justice
Il y a 40 ans est né dans l’esprit positif d’on ne sait quel colibri l’idée de marcher à travers la France pour éteindre un incendie meurtrier. Au matin, il ne s’est pas froissé de l’indifférence et des quolibets des mastodontes de la « jungle ». De Marseille à Paris, pas à pas, babouche et charentaise au pied, le colibri, généreux et paré de ses couleurs, voletait, déposant ici et là des gouttelettes de joie et de fraternité. Au passage, il se nourrissait du même nectar, engourdi au creux de cœurs insoupçonnés. L’ombre finit par reculer, un peu ; la lumière gagna les corps et les âmes retrouvées, un peu. Entre le 15 octobre et le 3 décembre 1983, l’oiseau chétif, venu de nulle part, réussi à faire rêver un pays, un peu. La Marche pour l’égalité et contre le racisme fut cette étoile qui fila dans le ciel de France. Le colibri s’appelle Toumi Djaïdja ; ce furent aussi Christian, Djamel, Farid, Jean, Marie Laure, Farouk, Bouzid, Patrick, Kheira… Comme dit le célèbre vers, ils partirent 17 pour arriver 100 000 car « tant, à nous voir marcher avec un tel visage, /Les plus épouvantés reprenaient leur courage ! ». Comme en écho au lointain poète, Marielaure Mahé – qui en fut ! – écrit ceci : nous « étions la flamme, celle qui donne l’énergie, l’ardeur, qui communique, soulève l’espoir et entraîne ». Et si tout le reste n’était que littérature, un tout à l’égo dans lequel cette dimension collective, joyeuse et habitée, passait à la trappe ?
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