Vivre en Algérie du XIXe au XXe siècle
Tramor Quemeneur, Paris, Nouveau monde éd., 2022, 288 p., 29,90 €
Tramor Quemeneur est historien, spécialiste de la colonisation et de la guerre d’Algérie, et membre de la commission Mémoires et vérité mise en place à la suite du « rapport Stora ». Il est l’auteur de Vivre en Algérie du XIXe au XXe siècle, un livre aux apparences d’album photo. En effet, pour ce nouveau projet, Tramor Quemeneur a travaillé avec la base de données photo du Partnership for the Conservation of Amazon Biodiversity (PCAB), ainsi que la Bibliothèque nationale de France et les Archives nationales, ce qui lui a permis d’avoir accès à un fonds photographique immense, nourri de collections publiques mais aussi privées jamais dévoilées au grand public.
Divisé en cinq temps, de la découverte de l’Algérie à l’indépendance en passant par la guerre, l’ouvrage présente des clichés photographiques qui racontent chacun une histoire, tout en suivant le processus de colonisation et de décolonisation du pays. Le but est simple : éviter la fibre orientaliste des cartes postales et de certaines photographies officielles. L’auteur invite à s’écarter des visions fantasmées en recontextualisant les images : on ne sait pas toujours qui est derrière l’objectif et ce qu’il a bien voulu montrer. Les quelque 300 photos offrent des scènes de vie et du quotidien, illustrent les tensions coloniales à travers les à-côtés.
On découvre une catégorie que l’on oublie souvent finalement : la population, les personnes lambda qui sont prises entre deux feux. Les pieds-noirs, les Algériens vivent, travaillent dans les marchés et les épiceries, vont au café, font la fête. Les campagnes évoluent avec la colonisation, les villes aussi. Alger tient une place centrale dans l’ouvrage, l’auteur explique que l’arrivée par la baie en bateau marque les esprits de tous. À l’image des grandes découvertes, du rêve américain, le pays a émerveillé et offert de nouvelles promesses de richesse avec un « air de Far West ». La sélection de photos parvient à dessiner une Algérie au-delà de la guerre, au-delà des combats, et parvient à lier ces images à la réalité historique. Des photos en apparence anodines peuvent être chargées de sens, particulièrement dans le chapitre « Algérie, de la guerre à la paix » qui représente le quotidien durant la guerre, les grévistes de la bataille d’Alger, puis l’indépendance, la victoire pour certains, une profonde tristesse pour d’autres. Aux images de liesse générale des Algériens répondent les expressions fatiguées, angoissées ou confuses des pieds-noirs et des harkis qui doivent quitter leurs maisons, leur pays et leurs vies.
À une période où l’histoire publique se développe et les moyens de médiations se diversifient, la mobilisation de la photographie par Tramor Quemeneur permet de porter un regard nouveau sur le sujet souvent abordé de la guerre d’Algérie.