6Représentations, stéréotypes, traitements différenciés et luttes
Les stéréotypes, le racisme et les discriminations subis par les populations originaires de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, longtemps minorés, suscitent des réactions de plus en plus visibles et coordonnées au fil du temps. Ces réponses visent non seulement à combattre toute forme de traitements différenciés, mais également à instaurer une représentation plus juste des personnes d’origine asiatique dans la société française. Les stéréotypes attachés aux populations asiatiques, les formes du racisme et des discriminations qu’elles subissent comportent un grand nombre de similitudes. Cependant, au sein de ces populations, les réactions et les postures vis-à-vis du racisme et des discriminations sont hétérogènes et varient en fonction de l’origine nationale, du passé colonial, des histoires migratoires, du milieu social, etc. Depuis 2010, l’arrivée à l’âge adulte d’un nombre croissant des descendants nés en France et la part grandissante des personnes diplômées au sein des migrants et leurs descendants ont contribué à renouveler les actions collectives de lutte. Les revendications se sont élargies au fil du temps, allant d’une lutte contre l’insécurité vers une lutte antiraciste et antidiscriminatoire. Ces nouvelles initiatives s’engagent également en faveur d’un changement dans la représentation des Asiatiques en France, visant à éliminer les stéréotypes et préjugés, et à diversifier les voix portées par ces populations.
Permanence des stéréotypes
Les stéréotypes associés aux populations asiatiques sont le produit de constructions sociales successives et anciennes. Au 19e siècle, la fascination pour l’Asie a forgé l’image d’étrangers mystérieux, secrets, silencieux, que l’on retrouve aujourd’hui à travers l’image stéréotypée de populations « polies » et « discrètes ». Au tournant du 20e siècle, la fascination doublée d’un sentiment de crainte donne naissance au mythe du « péril jaune », réactivé durant la pandémie de Covid-19. Le recrutement de travailleurs et tirailleurs durant la Première Guerre mondiale a forgé l’archétype de l’Indochinois, « discipliné » et « laborieux ». Ces stéréotypes réactivés au fil du temps sont déclinés positivement ou négativement. Ainsi, associée aux élèves et étudiants, la représentation d’immigrés travailleurs s’exprime par une attente de la réussite scolaire ; appliquée aux employés et commerçants, elle renvoie à un imaginaire d’activités économiques informelles, voire clandestines.
Dans la tête de Kei Lam, article issu du Journal du Palais n°19, juin-août 2022
Sortir du silence : actions collectives contre le racisme et les discriminations
Bien que les personnes d’origine asiatique soient déjà présentes, de façon minoritaire, dans les rangs de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, il a fallu attendre le Troisième Collectif en 1996 pour qu’apparaisse une participation conséquente de personnes d’origine asiatique – plus précisément des sans-papiers chinois – aux mouvements sociaux sur le sol français. À partir des années 2010, une série de manifestations est organisée par les communautés asiatiques, majoritairement d’origine chinoise, pour dénoncer les agressions physiques dont certains de leurs membres sont victimes. Progressivement, les revendications portées évoluent vers une mobilisation contre les traitements différenciés : violence policière, racisme, discriminations. Depuis la pandémie de Covid-19, de plus en plus d’actions collectives visent à lutter contre le racisme et les discriminations et prennent des formes multiples : manifestations, judiciarisation et recours aux droits, pétitions, développement d’outils audiovisuels de sensibilisation, etc.
Initiatives pour une représentation plus juste
Les initiatives pour promouvoir une plus juste représentation des populations asiatiques en France émergent à partir des années 2010. Elles se multiplient rapidement en réaction aux stéréotypes et préjugés véhiculés par certains sketches censément humoristiques et aux agressions dont sont victimes des membres des communautés asiatiques. Ces initiatives sont portées par des artistes, journalistes, et personnalités publiques engagées, ou encore par l’engagement politique d’élus locaux d’origine asiatique travaillant en synergie avec des réseaux associatifs. Depuis la pandémie de Covid-19, des projets audiovisuels et artistiques visant une plus juste représentation des Asiatiques, avec des voix plus diversifiées, prolifèrent. Les outils numériques, notamment les réseaux sociaux, sont fortement mobilisés et devenus des leviers incontournables d’expression, de visibilisation et de représentation.