Kaili Blues
Meilleur premier film, Locarno 2015 – Montgolfière d’or, Festival des Trois continents de Nantes 2015
C’est un film prodige, porté notamment par la prouesse technique d’un plan-séquence de 45 minutes, et qu’a réalisé un débutant d’alors 26 ans avec les moyens du bord (des copains non payés et un oncle dans le rôle principal). Bi Gan a tourné ce premier long métrage dans sa bourgade natale du sud-ouest de la Chine, Kaili, qui donne son nom au titre français du film, et où vivent de nombreux membres de la minorité Miao, dont il est issu lui aussi. En chinois, il s’intitule Pique-nique en bord de route, comme le beau poème qui rythme le récit, où les déambulations à moto sur des petites routes de campagne, sous les cieux tourmentés de la mousson, tiennent de fait une part importante – le jeune cinéaste a précisé dans un entretien l’avoir ainsi recyclé au cinéma faute d’avoir pu le publier.
Chen, le héros, est donc poète. C’est aussi un ancien malfrat, qui officie dans un petit dispensaire, en bonne amitié avec une vieille infirmière ou doctoresse, on ne sait, aussi seule que lui. Il cherche à honorer la promesse, faite à sa mère décédée depuis peu, de s’occuper de son neveu, un garçonnet livré à lui-même. Découvrant que le père de l’enfant, son demi-frère, lié lui aussi au banditisme local, l’a confié à un vieux boss dans une ville voisine, Chen s’y rend pour tenter de le retrouver. Dans ses pas, Bi Gan nous convie à un voyage hypnotique, à la fois universel et puissamment dépaysant, qui efface peu à peu les frontières entre rêve et réalité, sentiments et sensations, passé et présent.
Irène Berelowitch
Kaili Blues
Film de Bi Gan (Chine, 2015, 1h53mn)
Avec Chen Yongzhong, Guo Yue, Linyan Liu