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L’Immigration à petits pas

Les rayons du livre jeunesse se garnissent, depuis quelques années, d’ouvrages sur l’immigration destinées aux petites têtes blondes (et brunes) de la France nataliste. Il faut sensibiliser les chérubins et futurs citoyens le plus tôt possible, les informer fissa et, accessoirement, gratifier la parentèle d’utiles tuyaux sur un sujet d’une complexité sans nom.

Sophie Lamoureux (pour le texte) et Guillaume Long (illustrations) ont planché sur l’immigration. A travers un jeu de questions et de réponses courtes, présentées en petits chapitres thématiques, Sophie Lamoureux aborde plusieurs sujets : histoire des migrations, colonisation, Trente glorieuses, nationalité, sans papiers, réfugiés, etc. Chaque réponse est illustrée d’un dessin humoristique et décalé. Le tout donne un livre plaisant, coloré, particulièrement attractif.
Sur le fond, un sujet aussi vaste et difficile, traité en quelques soixante-dix pages, ne peut pas ne pas susciter quelques regrets. Ainsi, le parti pris historique frustrera les lecteurs attachés aux aspects contemporains de la migration. De même – mais il est vrai que de ce point de vue la critique est aisée – le peu de place réservée au thème culturel ou identitaire. Figurent ici quelques définitions (métissage, multiculturalisme), des raccourcis sur le "grand écart de la deuxième génération" ou des équivoques comme quand il est écrit que l’intégration de l’immigré est "plus facile lorsqu’[il] appartient à la même culture que le pays d’accueil". Les sujets sont explosifs et exigent un traitement et des outils de chirurgien…
On pourra aussi regretter une ou deux absences de chiffres, des sources non fournies, le laconisme de certaines formules (sur "l’accueil" des républicains espagnols par exemple) ou, ici ou là, l’usage de certains mots. Ainsi, les citoyens des ex-colonies "choisissent" l’ancienne métropole écrit Sophie Lamoureux. La notion de "choix" peut conduire à éluder la dimension "engrenage" héritée de la main mise coloniale comme elle esquive les recrutements pratiqués sur place par les entreprises européennes.
Malgré ces critiques d’un livre qui par définition ne peut prétendre à l’exhaustivité et encore moins à un examen pointilleux de sujets complexes, L’Immigration à petits pas offre l’occasion d’appréhender sur le long terme la question des migrations, d’en saisir les ressorts et quelques enjeux, de mesurer ses apports à la communauté nationale comme d’esquisser quelques pistes de discussions sur les difficultés du moment. Et, malgré le fait que tout n’est pas rose sur la planète des migrants, L’Immigration à petits pas montrera aux jeunes lecteurs que depuis les temps les plus reculés jusqu’à ce XXI siècle naissant, c’est aussi la France qui progresse, "à petits pas". Piano ma sano...

Mustapha Harzoune

Sophie Lamoureux et Guillaume Long, L’Immigration à petits pas, Actes Sud Junior, 2011, 78 pages, 12,50 €.