La vierge, les Coptes et moi
Quand le film s’achève dans la joyeuse cacophonie d’une procession mariale, on semble loin du printemps arabe. Il y flotte pourtant comme un parfum de liberté…
Réalisateur débutant, d’origine copte, Namir Abdel Messeeh, revient sur la terre de ses ancêtres avec le projet, un peu iconoclaste, d’enquêter, sous la forme documentaire, sur les apparitions de la vierge Marie. Le phénomène a de quoi piquer la curiosité, puisque, à travers les croyances populaires, il concerne non seulement les coptes chrétiens, mais aussi les musulmans et les juifs.
Délaissant Le Caire en plein Ramadan avec ses embolies circulatoires et ses foules compactes, peu favorable à une quête mystique, notre Tintin, il en a la curiosité, la malice, la casquette et l’œil fureteur, va se diriger vers Assiout où, muni de quelques viatiques et recommandations, il doit pouvoir retrouver le contact avec ce qui reste de sa communauté et de sa famille. L’Egypte compte environ 7 millions de Coptes, soient 10% de la population inégalement répartis sur le territoire et entretenant des relations complexes avec le pouvoir dominant.
Namir est fasciné par des semblables si différents. Subrepticement son projet bifurque vers la quête identitaire et l’autoportrait, d’autant que la vierge partout présente, reste invisible. Les témoins directs se font tirer l’oreille et les langues ont du mal à se délier devant la caméra. Il reste à l’affût, mais il est un voyeur qui ne voit rien. A l’heure de la télé-irréalité, les égyptiens sont blasés et les miracles ne sortent pas de l’ordinaire.
Venue à la rescousse, la mère qui coulait à Paris une retraite fortunée acquise dans la banque du côté des Emirats et qui n’a rien perdu de sa verve et de son énergie de mama orientale, vient bousculer les apathies filiales et locales. Le producteur est remercié et le projet redémarre sur de nouvelles bases et selon un "story telling" qui aurait pu emprunter à Cocteau : si ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs.
Commence alors la dernière mouture du film. Une superproduction en panorama-mic-mac , avec effets spéciaux, trucages burlesques, figuration recrutée sur place, interprétation soumise à un casting digne de la Starac ou de Love story. Incroyable défilé avec bouts d’essais à la clé, de postulantes starlettes à qui l’on donnerait la madone sans confession, fellahs et villageois roublards, renvoyés dans les cordes et dans les décors.
C’est quoi ce délire ?
Un petit miracle de film en liberté, gentiment prémonitoire et blasphématoire, à consommer tout de suite, avec immodération.
André Videau
En salle depuis le 29 août 2012
Durée : 1h 31min
Réalisé par : Namir Abdel Messeeh
Avec : Siham Abdel Messeeh, Namir Abdel Messeeh
Genre : Documentaire, Comédie