Les migrations

La mondialisation accélère-t-elle les migrations ?

La circulation de l’information et des biens, le développement des transports, l’internationalisation du modèle occidental de consommation, comme la recherche d’alternatives au dit modèle, tous ces effets de la mondialisation contribuent à faciliter ou susciter une intensification des flux migratoires. Pour autant, les raisons premières qui poussent à émigrer demeurent (situations socio-économiques, conflits et violences, politiques) comme celles qui constituent un besoin d’immigration (économiques ou démographique).

Le nombre de migrants a rapidement augmenté : 77 millions en 1965, 111 millions en 1990, 140 millions en 1997, 175 millions en 2000 (2,8% de la population mondiale), 281 millions en 2020 ( 3.6 % de la population mondiale (ONU), soit, pour 7,7 milliards de personnes, 1 personne sur 30.

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Sylviane Drvar's gift: map of Czechoslovakia
Carte de la Tchécoslovaquie : utilisée lors de son premier voyage, elle est conservée par Sylviane Drvar. Chaque ville visitée a été entourée. Le mot "socialiste" a été barré par de jeunes Tchèques.
© Musée national de l'histoire de l'immigration

État des lieux : chiffres et flux migratoires

En 2019, avec 164 millions de personnes, les migrations de travail représentaient 60% des migrations mondiales. Le nombre de réfugiés dans le monde s’élevait à 25,9 millions (contre 14 millions en 2000). Le nombre de déplacés à l’intérieur de leur propre pays était de 41,3 millions (21 millions en 2000). 3,9 millions de migrants étaient des apatrides.

Pour 2020, le HCR comptabilisait 48 millions de déplacés (48 millions) et 26,4 millions de réfugiés (dont 5,7 millions de Palestiniens) soit un total de 82,4 millions, un nombre qui a doublé en 10 ans. Les deux tiers sont originaires de cinq pays : Afghanistan, Syrie, Venezuela, Birmanie et Soudan du Sud. Globalement, le nombre de déplacés internes étaient estimés en 2009 à 740 millions de personnes (PNUD).

En 2019, l’Europe et l’Asie accueillaient 61% de la population mondiale totale de migrants (respectivement 82 millions et 84 millions). 59 millions de migrants internationaux (22%) se dirigeaient vers l’Amérique du Nord, et 10% vers l’Afrique. En 2020, les continents de destinations des 281 millions de migrants internationaux sont dans l’ordre : l’Europe (86,7 millions), l’Asie (85,6 millions), l’Amérique du Nord (58,7 millions), l’Afrique (25,4 millions), l’Amérique latine et les Caraïbe (14,8 millions) et l’Océanie (9,4 millions).

Rapportée à la taille de la population dans chaque région, la part des migrants internationaux s’élevait à 21% en Océanie, 16% en Amérique du Nord et 11% en Europe. Entre 2000 et 2019, l’Asie a enregistré une croissance de 69 %, soit environ 34 millions de personnes, suivie par l’Europe, (+ 25 millions de migrants internationaux), l’Amérique du Nord (+ 18 millions) et l’Afrique (+ 11 millions).

Depuis 1970, les États-Unis sont le premier pays de destination des migrants internationaux. Le nombre de personnes nées à l’étranger résidant dans ce pays a presque quadruplé – passant de moins de 12 millions en 1970 à près de 51 millions en 2019. L’Allemagne, deuxième destination des migrants, a enregistré une hausse passant de 8,9 millions en 2000 à 13,1 millions en 2019. Viennent ensuite : l’Arabie Saoudite, la Fédération de Russie, le Royaume uni, les Émirats arabes unis puis la France.

En ce qui concerne la répartition des migrants internationaux par groupe de pays classés selon le revenu, près des deux tiers des migrants internationaux résidaient en 2019 dans des pays à revenu élevé –176 millions environ. Cette même année, 82 millions de personnes nées à l’étranger vivaient dans des pays à revenu intermédiaire (environ un tiers de la population totale de migrants), et 13 millions dans des pays à faible revenu.

L’origine des migrants est à 40% asiatique (112 millions) : Inde et Chine en premier lieu, suivis du Bengladesh, du Pakistan et de l’Afghanistan. Le Mexique est le deuxième pays d’origine des migrants internationaux, la Fédération de Russie occupe le quatrième rang, vient ensuite la Syrie. L’Ukraine (et ce avant même l’invasion russe de 2022), la Pologne, le Royaume Uni et l’Allemagne comptent une population d’émigrants non négligeable. Dans la liste des 20 premiers pays d’origine des migrants internationaux, le premier pays africain, l’Egypte, n’arrive qu’en 19è position.

Selon la Banque mondiale (2016), le volume mondial de la migration Sud-Sud représente presque 40 % du total des migrants (97 millions), soit davantage que le volume des migrations Sud-Nord (89 millions). 57 millions Nord-Nord et 14 millions Nord-Sud. Au total ce sont quelques 60 % des migrations qui s’effectuent entre des pays de même niveau de développement.

Selon le HCR, en 2020, 86% des personnes déracinées étaient accueillies dans des pays en développement. Cinq pays accueillaient au moins 1,2 million de réfugiés et de Vénézuéliens déplacés à l'étranger (Turquie, Colombie, Pakistan, Ouganda et Allemagne). Les 124 millions de migrations vers le sud de la planète (Sud-Sud et Nord-Sud) dépassent en nombre les 120 millions environ en direction du nord (Sud-Nord et Nord-Nord).

L’Afrique subsaharienne devrait représenter 22 % de la population mondiale vers 2050 (14 % aujourd’hui). Si la migration africaine devait augmenter, elle resterait autour de 15% à destination de l’Europe. Selon une étude menée par François Heran pour l’INED, les Africains originaires du sud du Sahara ne représenteraient au maximum que 4% de la population européenne en 2050. Loin donc du mythe du grand remplacement.

La mondialisation a ouvert de nouvelles voies aux migrations, désormais moins dépendantes des passés ou héritages coloniaux. Cela concerne tous les continents notamment l’Asie centrale et orientale ou l’Europe de l’Est.

Une diversification des causes de mobilité

La surpopulation, la pauvreté, les crises politiques, les violences et les persécutions, les conflits à caractère religieux ou ethnique ou encore la (relative) attraction du mode de vie occidental restent les causes de mobilité. Il faut y ajouter les désastres environnementaux qui induisent déjà des millions de déplacements dans le monde, à une échelle plutôt régionale. Ceux qui migrent disposent de réseaux transnationaux (familiaux, commerciaux, économiques et parfois mafieux) et d’argent pour franchir les frontières, même illégalement. Une seule exception, la migration forcée de réfugiés, dont près de 9 sur 10 sont accueillis par des pays en développement (HCR).

Le profil des migrants évolue : les jeunes hommes ruraux et peu qualifiés sont désormais rejoints par des jeunes hommes qualifiés, voire très qualifiés, des classes moyennes urbaines, des femmes isolées, qualifiées, aspirant à une indépendance, et même des mineurs.

Le HCR (2019) a comptabilisé 27 600 demandes d’asile individuelles déposés dans au moins 60 pays en 2018 par des enfants non accompagnés ou séparés de leur famille. Même s’il s’agit d’une sous-estimation, la tendance est en baisse continue depuis 2015, où le nombre de demandes avait été exceptionnellement élevé (98 400).

Le monde compterait environ 31 millions d’enfants migrants, dont 13 millions d’enfants réfugiés, 936 000 demandeurs d’asile, et 17 millions d’enfants déplacés de force dans leur propre pays.

Mustapha Harzoune, 2022