Les Saisons de Louveplaine
Sans nouvelles de son émigré de mari, Hassan, parti travaillé en France du côté de Louveplaine, cité imaginaire sise en Seine-Saint-Denis, Nour décide de quitter son Algérie natale pour partir à sa recherche, histoire de lever ses doutes et inquiétudes.
Lorsqu’elle débarque dans le triste appartement de Hassan, celui qui devait l’accueillir avec sa fille, dans la tour Triolet, l’homme s’est envolé, disparu depuis plusieurs mois. A partir de cette amorce d’intrigue, le lecteur apprend vite que les activités professionnelles du tendre époux relevaient davantage des trafics en tout genre de la cité que d’une activité légalement déclarée au fisc. En l’occurrence, Hassan donnait dans le dressage des chiens pour des combats clandestins. Voilà, exit pour Hassan ! On croisera bien son ombre aux trois quart du roman, mais pour le reste, les recherches de Nour, aidée par le jeune Sonny, offrent surtout l’occasion de déambuler dans le monde interlope de la cité, de portraiturer quelques uns de ses habitants et d’esquisser les contours urbains, bétonnés ou verdoyants, de la banlieue. Au centre du maelström de personnages émerge la figure attachante de Sonny, lycéen le jour, maître es trafic la nuit. Il fut le second de Hassan à qui il reste lié par un trouble attachement. Sonny a promis d’aider Nour à retrouver son mari.
L’épisode des combats de chiens dans une tour désaffectée, forme les plus belles pages du roman. Jusque là le lecteur attend que la mayonnaise prenne. Puis, tout bascule. Nour et Sonny, tout à leur quête de Hassan, sont fauchés par une voiture de police. Elle s’en sortira avec quelques égratignures. Les choses seront plus compliquées pour Sonny. Tellement compliquées que le service de l’impayable docteur Poliakov, où est soigné le lycéen, refuse de donner de ses nouvelles. Sept jours sous ce régime de silence et d’inquiétude suffissent ici à provoquer une émeute conduite par les petits camarades de classe de Sonny, plutôt propres sur eux - entendre complètement inconnus des services de police - auxquels vont se joindre quelques "cailleras" de la cité, affublés ou non de molosses revêches.
Tout cela - presque 400 pages - laisse une impression de vide, l’impression de tourner en rond. Il ne se passe pas grand-chose. L’enquête pour retrouver Hassan tourne court, les épisodes de l’accident et de l’émeute semblent relever du procédé, comme certains développements croulent sous le poids d’une palpable documentation. La chute – surprenante, inattendue - tombe avec une telle lourdeur que l’auteure elle-même ne prend pas la peine de la relever. Pour son deuxième roman, Chloé Korman, qui avait obtenu le Prix du livre Inter et le Prix Valéry-Larbaud pour Les hommes-couleurs (Seuil, 2010), propose un texte plutôt filandreux sur la banlieue. Son origine remonterait à un atelier d’écriture qu’elle a animé à La Courneuve. Les Saisons de Louveplaine est un roman spatial. Pour une sismographie de la banlieue - pour les tripes ! - il faut mieux (re)lire Rachid Santaki. Précision tout de même, Les Saisons de Louveplaine fit partie de la première sélection du Médicis et du Renaudot.
Mustapha Harzoune
Chloé Korman, Les Saisons de Louveplaine, Seuil 2013, 399 pages, 21 €.