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3Focus : House of one

par Aurélien Lemonier

C’est à l’initiative d’une campagne archéologique entre 2006 et 2009 sur le site de Petriplatz à Berlin que s’est progressivement imposé le projet d’une Maison de prière et d’enseignement des trois religions, conduit par Kuehn & Malvesi architectes et connu aujourd’hui sous le nom de House of one.

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House of one - loggia - slide

Petriplatz, centre historique de Berlin

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House of one, vue de Petriplatz
House of one, vue de Petriplatz © Kuehn Malvezzi, photo : Ulrich Schwarz

Des fouilles resurgissaient alors les différents vestiges des églises successives qui, depuis la fondation de Berlin à la toute fin du XIIème siècle, avaient occupé le centre historique de la ville, sur l’ile formée par les méandres de la Spree. Les deux chapelles originelles tout d’abord cédèrent la place à une première église gothique à la fin du XIVème siècle, elle-même remplacée à l’âge baroque par un nouvel édifice. Ce dernier sera détruit par un incendie au milieu du XIXème et remplacé par un bâtiment néogothique que les bombardements de 1945 ruinèrent également. Le site est alors nettoyé au début des années soixante alors que l’urbanisation de l’ile, en plein Berlin-Est, achève la complète reconfiguration de la structure urbaine historique.

Questionner le rôle d’une église à l’âge contemporain

À ce temps long des transformations de la ville qui marque l’identité du site de Petriplatz fait écho une autre mémoire qui rappelle la coexistence des spiritualités luthériennes et calvinistes ayant pu se trouver être autorisée sur ce site dès la Renaissance. Cette libéralité (très localisée à la paroisse de St Petri, laquelle appartenait, à son origine, à la ville de Cologne) n’est certainement pas étrangère au projet qui progressivement conduira la communauté évangélique actuellement propriétaire du terrain à questionner en profondeur le rôle d’une église à l’âge contemporain, dans une ville multiculturelle et multiconfessionnelle telle que le Berlin d’aujourd’hui. À quels enjeux sociaux doit pouvoir répondre la communauté spirituelle ? Quel est son rôle et sa responsabilité dans les processus de transformation de la société ? "L’église doit échapper à sa propre stagnation" rappelle Gregor Hohberg recteur de la communauté de St Petri, au risque même de prendre position sur des sujets controversés et redéfinir sa propre perméabilité aux mutations contemporaines. S’appuyant sur les enjeux de l’hospitalité au cœur de l’enseignement des Évangiles, la communauté s’engage ainsi à multiplier les liens avec ses homologues juives et musulmanes jusqu’à finalement s’associer avec elles pour définir le projet d’une maison de prière et d’enseignement qu’elles partageraient toutes les trois. Ainsi, c’est avec l’imam Kadir Sancy, membre éminent du Forum pour l’interculturalité, et le rabbin Toi Ben-Chopin de communauté juive de Berlin que s’élabora le programme d’une maison commune.

Un lieu pour trois religions, que peut l’architecture en matière d’inter-cultualité ?

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House of one, coupe transversale
House of one, coupe transversale © Kuehn Malvezzi, visualisation : Kuehn Malvezzi

La question est ambitieuse et l’expérience berlinoise se trouvait face à la nécessité d’inventer un programme architectural tout à fait inédit. Pour le résumer dans ses grandes lignes, son enjeu tenait à la combinaison de trois échelles conceptuellement distinctes.

La première est celle de la ville et concerne la visibilité du projet dans ce qui fut le cœur historique de Berlin dont les traces doivent pouvoir être signifiées alors même que seules de rares vestiges demeurent. Cette identité urbaine, s’adressant à l’ensemble des habitants de Berlin, devait ainsi dépasser les communautés usagers du lieu. Le choix des architectes lauréats Kuehn & Malvesi de rendre accessible le rez-de chaussée pour visiter le site archéologique au-dessus duquel est construit l’édifice aura ici été une réponse permettant d’articuler pour mieux la signifier cette complexité historique et urbaine d’un espace fondamentalement collectif et public. 

La seconde échelle est celle de l’écriture architecturale propre au bâtiment ne pouvant favoriser des codes esthétiques propre à l’une des trois religions. L’usage d’un vocabulaire abstrait et volontairement neutralisé, de volumétrie simple signifiant cependant la complexité de l’organisation intérieure et l’usage d’un matériau unique – la brique ocre – sont parmi les stratégies formelles qui permettent de créer un objet suffisamment sculptural pour exprimer une puissante présence monumentale mais néanmoins décoller de tout référencement.

La troisième échelle est enfin l’organisation intérieure du bâtiment et l’articulation des trois espaces dévolus aux trois communautés. Ici encore, la réponse des architectes lauréats aura été de favoriser la dimension collective du projet en proposant la création d’un vaste atrium central sous dôme permettant de distribuer les différents espaces confessionnels, lesquels adoptent dans leur volumétrie une morphologie singulière qui en l’occurrence reprennent des morphologies propres aux trois religions monothéistes. Coiffant l’ensemble, un belvédère permet d’accéder à une vue sur le grand Berlin.

 

 

 

Cette page est tirée d'un article d'Aurélien Lemonier publié dans le catalogue de l'expositionCoexistences, Lieux saints partagés en Europe et en Méditerranée, Musée national de l'histoire de l'immigration/Actes Sud, 2017