3Passages et territoires
Deuxième partie
Saisis au passage, les Tsiganes attirent l’œil des photographes. L’arrivée des roulottes et des caravanes provoque des rencontres et un commerce d’images. Contre une pièce, les modèles d’un instant acceptent de poser dans des studios improvisés. Des photographes amateurs ou professionnels renouvèlent les motifs de l’errance et du vagabondage. Ils contribuent ainsi à renforcer l’imaginaire d’un peuple nomade. Si l’on regarde mieux, ces images montrent aussi l’ancrage de communautés et de familles qui circulent dans des territoires connus et parcourus régulièrement.
Loin d’une pérégrination sans but, les Tsiganes exercent des métiers itinérants qui se déclinent à l’infini : commerce de détail, métiers du cheval, chaudronnerie, artisanat et spectacle. L’itinérance peut être continentale, régionale ou locale mais aussi saisonnière ou intermittente. Certains villages, quartiers ou rues des villes abritent des communautés, depuis parfois des siècles : ces ancrages échappent au regard, sauf dans la Zone à Paris où les roulottes et les campements attirent l’œil de nombreux photographes.
Compagnies de chaudronniers
À partir des années 1860, des compagnies de chaudronniers originaires d’Europe de l’Est et de Russie circulent de plus en plus fréquemment en Europe de l’Ouest. Ces grandes familles sont reconnaissables à leur manière de se vêtir : les hommes portent des vestes agrémentées de gros boutons en or ou en argent, les femmes ont de longues jupes de toutes les couleurs et portent des pièces d’or autour du cou et dans les cheveux. La chaudronnerie leur assure des revenus conséquents qui leur permettent de négocier une présence durable, notamment à travers le dépôt de cautions auprès des municipalités. Les curieux se pressent dans leurs campements. Photographes amateurs et professionnels les immortalisent dans des scènes de la vie quotidienne ou à l’occasion de mises en scène plus élaborées.