Les étrangers de papiers - Police de l’immigration et carte d’identité en France (1917-1940)
Pour comprendre l’histoire des sans-papiers d’aujourd’hui, s’interroger sur la création d’une carte d’identité des étrangers en avril 1917 peut aider à élaborer la genèse d’un dispositif administratif et policier d’identification et de contrôle des étrangers en France. Pour la première fois, un État européen recourt à un système massif d’enregistrement qui s’applique à tous les étrangers résidant sur le territoire national. Durant l’entre-deux-guerres, ce sont près de 10 millions de personnes qui sont concernées par une administration policière rapidement dépassée par l’immigration croissante des années 1920 et 1930. Une instabilité chronique s’installe dans les services des préfectures et le traitement en masse des dossiers devient rapidement la règle. De l’autre côté des guichets, les files d’attente s’allongent et le sentiment d’impuissance face aux règles changeantes de l’administration policière s’installe durablement. Face à ce mur froid, des intellectuels exilés en France se confrontent à cette nouvelle réalité de la modernité – être identifié, se munir de papiers pour être “en règle”. Ils entreprennent de penser la nature de cette existence suspendue aux fils incertains de la bureaucratie et refusent d’être des étrangers de papiers.