En 2003, Kader Attia présente, à la Biennale de Venise, La machine à rêve. Il s'agit d'une installation composée d'un distributeur automatique et d'un mannequin vêtu d’un sweat-shirt griffé « Hallal ». Le personnage est sur le point d’acheter l’un des articles proposés par La machine à rêve : un kit mariage, du gin hallal, des cartes de crédit gold… autant de produits de notre société de consommation et du besoin de s'y reconnaître. Cette installation marque le début d’une longue série déclinée par l’artiste.
Pour le musée de la Cité, Kader Attia a imaginé une version féminine dans laquelle le distributeur propose un ensemble d’objets symboliques, représentatifs, selon l’artiste, du rêve d’intégration de certaines jeunes filles.
Procédant par détournement, l’artiste transgresse l’objet et sa signification première et propose une réécriture du réel afin de traduire les déchirements de l’exil ; entre deux mondes, deux identités. Il construit un langage particulier, à la fois poétique et politique, pour affronter la difficile équation entre désir d’appartenance à une société d’accueil et préservation de valeurs traditionnelles.
Kader Attia se réapproprie également la langue. En utilisant le terme «hallal», il n’est pas question pour lui de critiquer la religion mais de montrer de quelle façon les mots sont vidés de leur sens. Dans le langage commun d’aujourd’hui, le terme «hallal» a perdu sa connotation de pureté pour devenir un mot courant signifiant «propre à la consommation».
Si l’œuvre souligne le conflit d’une identité déracinée, sa signification va au-delà. La Machine à rêve pose la question de la norme de vie érigée par le capitalisme : «Je consomme donc je suis». «Pour ces jeunes filles et jeunes garçons, s’émanciper voudrait donc dire consommer, sans modération, en réponse à des besoins que crée l’ordre capitaliste. À l’époque où cette œuvre fut créée, les produits hallal étaient rares dans le commerce. Aujourd’hui, des médicaments aux sucreries en passant par les préservatifs, ils sont pléthore. Un marché en constante croissance qui met à profit le désir d’identité en le vidant de sa substance», commente Kader Attia.
L'artiste
Né en 1970 de parents algériens, Kader Attia grandit dans l’univers des cités de Sarcelles et Garges-les-Gonesses, aux identités multiples, à l’image de celles qu’il explore dans son travail. S’il s’inspire souvent d’anecdotes personnelles, l’artiste utilise le réel, se le réapproprie et donne naissance à une œuvre où l’autobiographie se conjugue à la création. Formé à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Kader Attia élabore une œuvre protéiforme, puissamment métaphorique. Les questions liées à la diaspora, au déracinement nourrissent sa réflexion et le placent souvent dans une démarche de plasticien qui se rapproche aussi de celle de l’ethnologue. À travers ses créations, Kader Attia ne cesse d’interroger le monde et le politique, non sans humour, distanciation et poésie.
Œuvre présentée dans l'exposition J'ai deux amours (16 novembre 2011 - 24 juin 2011)
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