4Ahmed Cherkaoui
Bejaâd (Maroc) 1934, Casablanca (Maroc) 1967
Ahmed Cherkaoui grandit dans une ville du Moyen Atlas marocain avant de poursuivre ses études secondaires à Casablanca. Au moment de l’indépendance du pays, qui se libère du protectorat français en 1956, de nombreux artistes marocains cherchent à s’émanciper d’une tutelle artistique coloniale, en apportant leurs propres codes à la modernité. En 1956, désireux d’approfondir ses connaissances artistiques, Cherkaoui s’installe à Paris et s’inscrit à l’École des métiers d’art dans la section arts graphiques. Diplômé et spécialisé en publicité, il obtient rapidement un emploi de graphiste chez Pathé-Marconi pour réaliser des pochettes de disques au département oriental.
Ce n’est pas un hasard si Cherkaoui s’oriente naturellement vers l’illustration. Imprégné d’une double culture – berbère par sa mère et arabo-musulmane du côté de son père –, l’artiste donne au signe et à l’écriture, qui font partie de son quotidien, une importance particulière. Sa maîtrise de la calligraphie lui permettra, durant toute sa carrière, de puiser dans des expériences et des inspirations personnelles. La peinture gestuelle en plein renouveau en France dans l’après-guerre trouve un écho dans la démarche artistique de Cherkaoui qui débute à la fin des années 1950. Sa découverte du travail de Roger Bissière le mène à abandonner la figuration et la peinture de paysage pour se tourner vers l’abstraction.
En 1961, une bourse lui permet d’étudier à l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie pendant un an, un séjour décisif pour l’artiste. À son retour, il développe une série d’œuvres utilisant la toile de jute, où le signe domine, rappelant les symboles tissés sur les tapis berbères. De même que Paul Klee avant-guerre, l’introduction de la toile de jute collée permet d’obtenir des œuvres texturées aux formats irréguliers.
Retournant souvent au Maroc, Cherkaoui ne cesse de consigner dans ses carnets ses re-cherches sur les arts populaires, complétant son répertoire artistique de symboles vernaculaires, qui constituent une ressource importante pour tout son travail. Grâce à ce répertoire consolidé au fil des années, son tracé devient de plus en plus dépouillé dans une calligraphie gestuelle qui ne garde plus que la force expressive.
La fusion entre écriture et peinture, entre signe et décor, voit son aboutissement dans le travail de Cherkaoui autour de 1964, où les couleurs vives apportent relief et profondeur à ses toiles. En pleine maturité, Ahmed Cherkaoui s’éteint brutalement en 1967, laissant derrière lui une production d’environ 200 œuvres.
Bibliographie :
- Brahim Alaoui, Ahmed Cherkaoui, entre modernité et enracinement, cat. exp. Rabat, Fondation nationale des musées du Maroc, 2018.