17Judit Reigl
Kapuvár (Hongrie) 1923, Marcoussis (France) 2020
Née en 1923, Judit Reigl connaît une jeunesse marquée par une ardente volonté de fuir la dictature stalinienne installée en Hongrie après la Seconde Guerre mondiale. Après sa formation aux Beaux-Arts de Budapest où elle rencontre Simon Hantaï, une bourse lui permet d’effectuer un voyage d’études en Italie de 1946 à 1948. Obligée de rentrer prématurément en Hongrie où son passeport lui est confisqué, elle tente par huit fois de quitter clandestinement le pays. Elle y parvient à la neuvième tentative, en 1950, traversant l’Europe, en partie à pied, jusqu’à Paris où Hantaï l’aide à s’installer.
À Paris, elle cherche une liberté artistique devenue impossible en Hongrie ; c’est dans l’automatisme surréaliste qu’elle la trouve dans un premier temps. Par Hantaï, elle rencontre André Breton qui, impressionné, lui dédie une exposition en 1954. Elle y présente ses premières toiles non figuratives, de grandes compositions abstraites faites de gestes automatiques qui la distinguent des préceptes figuratifs du surréalisme, dont elle s’éloigne rapidement. L’écriture, le corps et le mouvement restent au cœur de sa pratique picturale dans les décennies suivantes, alors qu’elle développe une peinture qu’elle définit comme un « automatisme total à fois psychique et physique », expérimentant avec une grande diversité d’outils. Elle est alors associée à la peinture gestuelle de Hantaï ou Mathieu.
Elle réalise entre 1958 et 1965 sa série Guano, des toiles laissées au sol de son atelier, à Paris puis à Marcoussis, imbibées de peinture, de traces et des mouvements de l’artiste au travail. Si elle commence à exposer en Allemagne, elle n’est alors plus montrée en France, et il faut attendre 1976 pour que les institutions françaises, dont le musée d’Art moderne de la Ville de Paris, s’intéressent à son travail.
Dès 1966, la figure réapparaît progressivement dans son œuvre, sous la forme de corps masculins ou féminins nus, en ascension ou en chute, esquissés par des gestes puissants. Dès lors, l’artiste oscille entre abstraction et figuration, générant parfois l’incompréhension de ses contemporains, mais recherchant toujours la présence du corps dans sa peinture, que celui-ci y soit représenté ou qu’elle imprime la toile de ses propres mouvements. Dans les années 1980, elle opère un certain retour à la géométrie, traçant de grandes formes rectangulaires, comme des portes où apparaît parfois une silhouette. C’est dans les dernières années de sa vie que Reigl connaît à nouveau les faveurs des galeries et musées, avec deux rétrospectives en 2010 à Nantes et Debrecen en Hongrie, puis en 2017 le Prix d’honneur de l’association française AWARE.
Bibliographie :
- Blandine Chavanne (dir.), Judit Reigl, Le déroulement de la peinture, Nantes, Musée des Beaux-Arts, Lyon, Fage, 2011.