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9Wifredo Lam

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Tableau de Wifredo Lam, Grande composition, 1960
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Cartographie du parcours migratoire de W. Lam

Sagua la Grande (Cuba) 1902, Paris 1982

Né à Cuba en 1902 d’un père chinois et d’une mère afro-cubaine, Wifredo Lam grandit à la croisée de ces deux cultures. Après une formation de peintre académique à La Havane, il obtient une bourse pour étudier à Madrid. En Espagne, où il s’installe pour près de quinze ans, il expérimente de nouveaux langages picturaux inspirés de Cézanne, Matisse et Picasso. Quand la guerre civile éclate, il combat contre les forces du général Franco, dont l’avancée l’oblige à s’exiler en France dès 1938.

Lam arrive à Paris seul et désargenté, mais muni d’une lettre le recommandant à Pablo Picasso. Leur rencontre marque le début d’une amitié durable et d’une fascination mutuelle. À son contact, Lam étudie les arts africains alors en vogue à Paris, instaurant un dialogue intime avec eux dans sa peinture. Picasso le présente à ses amis parisiens, notamment Pierre Loeb, qui lui dédie dès 1939 une exposition. La menace de la guerre le contraint de s’exiler à nouveau, à Marseille, où il passe un hiver en compagnie de surréalistes tentant de fuir l’Europe. Il invente alors les ferments de son univers pictural peuplé de créatures entre humain, animal, végétal et divin. Il embarque avec André Breton pour la Martinique, où ils rencontrent Aimé Césaire, dont la pensée anticoloniale et de la Négritude marque fortement Lam.

En 1941, Lam rejoint finalement Cuba. S’il vit ce retour d’abord comme un nouvel exil, l’artiste s’imprègne des symboles et traditions afro-cubains qui nourrissent sa peinture. Depuis New York, Breton l’introduit auprès de Pierre Matisse qui lui consacre une exposition en 1942, puis en 1943 où son tableau La Jungle fait scandale. Il voyage et expose alors entre Europe, États-Unis et Caraïbes, passant notamment à Haïti où il découvre les rites vaudous, et se réinstalle à Paris en 1952, quand est instaurée la dictature militaire à Cuba.

 

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Tableau de Wifredo Lam, Grande composition, 1960
Wifredo Lam, Grande composition, 1960. Collection privée, Paris
© Succession Wifredo Lam, Adagp, Paris, 2022

À Paris, il côtoie les surréalistes et se lie avec les jeunes artistes de CoBrA, peignant désormais ses figures fantomatiques à la lisière de l’abstraction. L’artiste poursuit ses voyages, du Venezuela à la Suède, chacun « élargissant » (Max-Pol Fouchet, Wifredo Lam, 2e édition, Paris, Cercle d’Art, 1989, p. 201) sa peinture érudite et référencée, et fréquente le peintre danois Asger Jorn à Albissola, en Italie. Il s’y installe en 1962, écœuré par le climat parisien de racisme exacerbé par la guerre d’Algérie (témoignage de Lou Laurin Lam, Wifredo Lam in North America, Milwaukee, The Haggerty Museum of Marquette University, 2008, p. 70). S’il poursuit son travail de peinture, la céramique et l’estampe prennent une place croissante dans son œuvre. Il retourne fréquemment à Cuba, accueillant avec enthousiasme la révolution castriste – dont il s’éloigne ensuite.

Bibliographie :

  • Jacques Leenhardt, Wifredo Lam, Paris, HC Editions, 2009.