Parcours

5"La France aux Français !"

(1939-1945)

Quatrième partie

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Slide Picasso 3

Pendant la drôle de guerre, du 2 septembre 1939 au 24 août 1940, accompagné de Sabartés, Picasso se replie à Royan. « Monsieur, je vous serais obligé de bien vouloir passer à mon cabinet dès que possible », lui enjoint le commissaire de police local par une lettre du 7 septembre 1939. Ce coup de semonce qui lui est adressé, comme à tous les étrangers, annonce le danger imminent : il est étroitement surveillé et ne peut se déplacer sans un sauf-conduit pour chacun de ses voyages. Car, désormais, Guernica, devenu l’étendard de la résistance à tous les fascismes, qui circule dans les musées des États-Unis et d’Europe depuis 1937, va le mettre en danger.

Entre Royan et Paris, il tente de travailler, malgré la gravité des menaces qui s’accumulent sur sa personne comme républicain espagnol, comme artiste dégénéré selon les termes de l’exposition de Munich en 1937, comme étranger dans un pays en passe d’être occupé par les nazis. C’est dans ce climat de tensions que Picasso dépose, le 3 avril 1940, une demande de naturalisation française.

 

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Récépissé de demande de carte d’identité de Pablo Picasso
Récépissé de demande de carte d’identité datant de 1935 © Archives de la Préfecture de Police de Paris © Succession Picasso 2021.
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 demande de naturalisation de Pablo Picasso
Lettre envoyée au Garde des sceaux pour une demande de naturalisation, comprenant la signature de 1940. © Archives de la Préfecture de Police de Paris. © Succession Picasso 2021. Anonyme. Service des étrangers de la préfecture de Police Paris. Années 1930 © Archives de la Préfecture de Police de Paris  © Succession Picasso 2021.

Une demande de naturalisation refusée

La lettre de naturalisation adressée par Picasso au Garde des sceaux est succincte. Elle se termine par une impressionnante signature : l’artiste, optimiste, ne semble pas douter un instant de l’issue favorable qui sera donnée à son dossier. Fortement appuyée par les interventions du sénateur Paul Cuttoli et du haut fonctionnaire Henri Laugier, soutenue par l’avis favorable du commissaire de police, cette demande « particulièrement signalée par le Cabinet » est instruite en un temps éclair.

Pourtant, le 25 mai 1940, un fonctionnaire des Renseignements Généraux rédige un rapport venimeux de quatre pages contre l’artiste et enterre son dossier. Il reprend en partie les allégations du premier rapport de police contre Picasso (18 juin 1901), affirmant que « cet étranger n’a aucun titre pour obtenir la naturalisation » et qu’il doit « être considéré comme très suspect au point de vue national ». Que se passe-t-il donc entre l’avis du commissaire de la Madeleine qui lui est favorable (26 avril) et le rapport haineux des Renseignements généraux (25 mai) ?

 

Dans le dénuement de l'atelier des Grands Augustins

Sans réponse à sa demande de naturalisation, et fragilisé par le risque de devenir victime expiatoire comme l’a été Federico Garcia Lorca qui a été exécuté par les milices franquistes, Picasso passe quatre années difficiles et travaille intensément dans son atelier. Dans la confusion et le désarroi qui règnent alors, il continue de produire, puisant dans des genres ou des thèmes déjà expérimentés, en les magnifiant, les poussant à l’extrême.

Avec leurs titres sinistres et la précision maniaque des dates ou des lieux de production, ces œuvres semblent participer d’une véritable obsession du quotidien. Le Désir attrapé par la queue, la première œuvre dramaturgique de Picasso, est alors représentée le 19 mars 1944 dans l’appartement de Michel et Louise Leiris.