Politique et immigration

Comment évaluer l’immigration légale en France ?

Pour évaluer l’immigration légale en France, il faut progresser dans le maquis des sources fournies par l’OFII (à partir des visites médicales), le ministère de l’Intérieur (titres de séjours), les calculs de l’INED ou de l’INSEE et des définitions nombreuses qui distinguent les migrants "permanents" des "temporaires", les étudiants étrangers des autres migrants, les étrangers originaires de l’UE des étrangers issus des pays tiers, les types de visas attribués… Les données changent selon les méthodes et les critères retenus.

Image
Barthélémy Toguo, Carte de séjour (tampon), 2010, Sculpture en bois, 24 x 46 x 26 cm. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration.
Barthélémy Toguo, Carte de séjour (tampon), 2010, Sculpture en bois, 24 x 46 x 26 cm. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration © ADAGP, Paris 2011

Données chiffrées à partir du nombre de premiers titres de séjour

Les premiers titres de séjour délivrés par le ministère de l’Intérieur sont passés de 230 353 en 2016 à 277 406 en 2019. En 2020, première année de la crise sanitaire, la statistique s’établie à  219 302 (-20,9%). En 2021, selon une première estimation, le nombre de premiers titres délivré serait de 271 675. Selon l’Insee, le nombre d’immigrés entrés en France en 2018 et 2019 était respectivement de 273 000 et de 272 000. Globalement et selon les différentes méthodes retenues, l’immigration légale a augmenté depuis le mitan de la décennie 90 (105 986 en 1996 - source Ined) jusqu’en 2019. 

41 % des immigrés arrivés en France en 2019 sont nés en Afrique et 31,9 % sont nés en Europe. En 2019 comme en 2018, les nationalités marocaine (34 929 titres soit 9,5 %), algérienne (27 391 titres, 7%) et tunisienne (19 596 titres, 4,5%) sont les plus représentées parmi les personnes ayant obtenu un premier titre de séjour en France. Viennent ensuite les Chinois (15 291 soit 3%), avec une hausse de 7,7 % en un an. Pour l’année 2020, l’origine par pays s’établissait comme suit : Maroc (30 218), Algérie (23 218), Tunisie (15 466), Côte d’Ivoire (9 196 ) et Chine (8 783).

En 2019 selon le ministère de l’Intérieur, le nombre de premiers titres de séjour délivré pour raison familiale était de 90 502 soit 32 ,6 % des motifs d’entrée. 46 942 étaient attribués au titre de famille de Français, dont 36 891 à des conjoints de Français.

En 2019, l’origine nationale des premiers titres de séjour accordé pour motif familial était : l’Algérie (17 887) , le Maroc ( 14 299), la Tunisie (8 179). 

Pour la démographe Michèle Tribalat, le contrôle des flux migratoires échapperait aux autorités du fait d’un "auto engendrement" de l’immigration familiale. Pourtant cette immigration répond au droit français et européen. Elle est le reflet de l’importance des flux migratoires passés et traduit aussi l’histoire des liens tissés entre la France et d’autres pays, comme elle pourrait aussi correspondre à une adaptation aux durcissements des conditions d’entrée en France.

Solde migratoire

Le solde migratoire  (voir un article de l’Institut Convergences Migrations à ce sujet)  permet d’apprécier la différence entre les entrées et les départs des étrangers. Il n’existe pas en France de statistiques officielles permettant de mesurer le nombre exact des sorties. Pour autant, selon les estimations de l’Insee, entre 1980 et 2010, le solde migratoire était en moyenne de 65 000 par an, soit un millième de la population totale de la France.

Entre 2006 et 2019, le nombre d'immigrés arrivés en France est passé de 193 400 à 272 400. Selon l’Insee, les sorties d’immigrés sont relativement modestes au regard de leurs entrées. En moyenne, quatre immigrés entrent sur le territoire lorsqu’un en sort. Il s’agit essentiellement d’étudiants étrangers quittant la France à la fin de leurs études, de départs à l’issue d’une période d’emploi de quelques années ou encore de retours au pays à la retraite. Au total, le solde migratoire des immigrés a baissé légèrement entre 2006 (+ 164 000) et 2009 (+ 133 000) avant de croître pour atteindre + 198 000 personnes en 2017. 

Ceci étant, pour l’historien Gérard Noiriel, "plus de la moitié des étrangers qui ont séjourné sur le territoire français ont fini par retourner dans leur pays ou ont émigré ailleurs" (cf. Immigration, antisémitisme et racisme en France. XIXe-XXe siècles. Discours publics, humiliations privées, p.527, Hachette Pluriel, 2009). De même, selon l’OCDE, 40% des migrants retournent chez eux dans les cinq ans qui suivent leur arrivée. Si les migrations restent en partie des migrations « de peuplement », elles se prêtent aussi à la libre circulation, aux aller et aux retours.

Mustapha Harzoune, 2022