Politique et immigration

Qu’est-ce que "l’immigration zéro" ?

L’immigration zéro vise à contrôler les flux d’entrée des immigrés et laisse croire que si l’objectif de zéro immigré est impossible à atteindre, la tendance, elle, serait un objectif réalisable. C’est Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur qui, en 1993, a lancé cette formule. La même année, la loi Pasqua durcissait les conditions d’entrée et de séjour des étrangers. Si à droite comme à gauche, on estime aujourd’hui peu réaliste un tel objectif, il existe des courants en faveur d’une réduction des flux migratoires et même, à l’extrême droite, des partisans d’une "immigration négative" ou "remigration", entendre le retour d’immigrés régulièrement installés en France.

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“Seuil d’intolérance”, caricature de Plantu (Jean Plantureux)
Plantu (Jean Plantureux), “Seuil d’intolérance”, Musée national de l'histoire de l’immigration, Inv 2006.117.1 © EPPPD-MNHI

Une notion allant à l’encontre des chiffres

Compte tenu des dizaines de millions d’entrées légales annuelles sur le territoire nationale (91 millions de touristes internationaux en 2019), compte tenu du droit constitutionnel et des conventions internationales, compte tenu enfin des immigrés, européens et extra européens, qui chaque année font valoir leurs droits à séjourner et à s’installer en France, l’immigration zéro est irréaliste.

Ainsi, malgré des mesures qui depuis plus de trente ans visent à contrôler et réduire l’immigration, le nombre des immigrés qui entrent régulièrement en France ne faiblit pas (voir les chiffres du ministère de l’Intérieur sur les délivrances des premiers titres de séjours à des ressortissants de "pays tiers", c’est-à-dire à des immigrés non européens).

Une notion allant à l’encontre des besoins

Les efforts pour attirer une immigration qualifiée (Passeport Talent, immigration de travail versus immigration familiale ou les débats autour d’une politique de quotas professionnels) comme la crise du Covid, tout converge et révèle ce que les économies développées doivent à l’immigration. Sur la période récente, sans l’immigration, la crise sanitaire aurait été plus douloureuse. En France, les praticiens étrangers « sont entre 4 000 et 5 000 à faire tourner les services des urgences ou de réanimation des hôpitaux publics » écrivait S. Mandard (Le Monde,16 avril 2020). « Sans ces médecins-là, non seulement nous ne pourrions pas faire face à la vague de Covid-19, mais mon service serait fermé » rapportait Mathias Wargon qui dirige les urgences de l’hôpital Delafontaine en Seine-Saint-Denis. « Sur les dix-huit praticiens du service du docteur Wargon, quinze sont ce que l’administration française appelle des praticiens hospitaliers à diplôme étranger hors Union européenne (Padhue) ». « En gros, ils font le boulot que les médecins français ne veulent pas faire, mais sans la reconnaissance ni la rémunération, disait plus crûment Mathias Wargon. Un collectif de personnalités a appellé à « montrer sa gratitude envers les étrangers qui affrontent cette crise avec nous » : « pour des raisons de justice et de reconnaissance, les sans-papiers méritent de bénéficier d’un droit au séjour » (Le Monde, 21 avril).

Dans une tribune (Libération, 22 avril) Mehdi Ouraoui, essayiste, auteur du podcast “On relève la tête” écrivait : «  (…) qui peuple ces quartiers populaires ? Les femmes de ménage, les caissières, les aides-soignantes, les médecins étrangers payés au lance-pierre, les livreurs, éboueurs, magasiniers. Bref, des travailleurs qui prennent le risque de mourir pour des salaires de 900 euros, pour des contrats d’intérim, pour nourrir leurs enfants, et… pour nous. (…) Les voilà, les soldats de l’An I du monde d’après s’il existe, l’armée des prolos, des banlieusards, des basanés, qui ne se posent pas la question de notre dieu ni de notre faciès lorsqu’ils désinfectent les blocs opératoires ou remplissent les rayons de nos supermarchés. Les grands remplaçants sont en première ligne pour un pays qui les aime si mal. (…) Alors, peut-être, demain, lorsque Le Pen et Zemmour diront «celui-ci n’est pas un Français intégré, un Français intégral», il faudra se demander comme on le fit longtemps après-guerre : de Marine l’héritière ou d’Aïcha la caissière, de Saint-Cloud ou de Saint-Denis, qui était où, qui offrit son courage à la fraternité, qui a le mieux servi la France en avril 2020 ? »

Mustapha Harzoune, 2022