Que sont les statistiques ethniques ?
Un repérage ethnique des citoyens
Historiquement, le terme d’« ethnie » fait partie du vocabulaire de l'administration coloniale et des pays de ségrégation (l'Inde, par exemple) pour identifier et recenser les populations. L'Afrique du Sud de l'apartheid et les États-Unis de la ségrégation raciale l'ont également adopté. En France, les principes républicains se sont opposés au repérage ethnique ou racial des citoyens, à l'exception des lois de Vichy de 1940 sur le statut des Juifs. Au titre de l’article 1, la Constitution « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».
Aujourd'hui, la réalité des « quartiers sensibles » et les phénomènes de discrimination raciste ont conduit à engager un débat public pour ou contre la constitution de statistiques ethniques.
Les arguments pour…
Les arguments favorables aux statistiques ethniques sont principalement :
- L'exemple des pays anglo-saxons ;
- La lutte contre les inégalités visant des catégories discriminées ;
- Favoriser une prise de conscience de l’état des discriminations dans le pays ;
- La nécessité de prendre des mesures de « discrimination positive » pour réparer des inégalités persistantes.
… et les arguments contre
Les arguments contre la constitution de statistiques ethniques reposent sur :
- Le lien historique entre ségrégation raciale et statistique ethnique ;
- Les moyens de produire de statistiques pour lutter contre les discriminations existent déjà ;
- Le caractère arbitraire, réducteur, subjectif comme la question de la définition scientifique d’un groupe « ethnique » ou « racial » ;
- La catégorie ethnique renforce les phénomènes de discrimination et de victimisation par l'assignation identitaire à une origine ou une appartenance réelle ou supposée ;
- L'ethnicisation se fait au détriment du bien commun, de l'intérêt général, de la communauté des citoyens, elle nie le métissage croissant des sociétés modernes, et tendrait à ethnisier les rapports sociaux.
- Quid aussi des conséquences, des instrumentalisations et autres interprétations que peuvent entrainer des informations ainsi collectées ?
Vers un « oui, mais » ?
En 2007, deux rapport du Haut Conseil à l’intégration (HCI) et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), soulignaient les dangers des statistiques ethniques tout en posant les conditions de la mesure de la diversité et la nécessaire prise en compte des discriminations.
Si le fichage ethnique est illégal, les statistiques ethniques, elles, sont autorisées dans le cadre de certaines enquêtes scientifiques. Ainsi de celle de l'Insee sur l'emploi ou celle de l'INED en 2008, "Trajectoires et origines". Certaines données, basées sur le "ressenti d'appartenance", peuvent être collectées sous certaines conditions définies par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés). D'autres études peuvent contenir des données sur le pays d'origine des parents. Mais dans les faits, en France, ces données sont rares car si elles demeurent légales, elles n'en restent pas moins tabou.
Mustapha Harzoune, 2022