Cinéma français des années 30
Dans La bandera de Julien Duvivier, qui voile et dévoile les charmes d’une Annabella devenue occasionnellement berbère, le réalisateur gomme toute présence arabe en opposant à ses héros de la légion « la masse anonyme , menaçante et méprisable des « salopards » (les tribus marocaines en rébellion) que l’on ne voit jamais » (1).
S’ils n’apparaissent pas sur les écrans, beaucoup de ces « étrangers » participent pourtant au cinéma national. Le Paris des années 30 accueille nombre de cinéastes étrangers : émigrés russes, hongrois, tchèques et exilés allemands chassés « par la crise économique et par les progrès du nazisme » (2) peuplent les studios français.
Certains y font carrière, tel Max Ophuls. D’autres, sur la route d’Hollywood ou de Londres, y font seulement étape, offrant toutefois au cinéma français quelques uns de ses grands classiques (Mayerling d’Anatole Litvak, Marius d’Alexander Korda), tant ancrés dans le patrimoine hexagonal qu’on oubliera que leurs réalisateurs n’étaient pas, eux, des « nationaux ».
Mais la ville n’abrite pas seulement ces réfugiés économiques ou politiques. Peintres, écrivains et cinéastes de toutes origines participent à l’effervescence culturelle de cette France des grands mouvements (Ecole de paris, surréalisme…). C’est ainsi que Luis Bunuel, attiré par la possible création d’une Société internationale de coopération intellectuelle, se rend à Paris, où il réalisera successivement à la charnière des années 1920-1930 Un chien andalou et L’Age d’or, chefs-d’œuvre poétiquement contestataires, et incarnations « pelliculaires » du surréalisme.
Stéphanie Alexandre
- In L’encyclopédie du cinéma de Roger Boussinot, Bordas, 1995
- Jean-Pierre Jeancolas in Le cinéma des français : 15 ans d’années 30, Nouveau monde, 2005