Cinéma

Cinéma français des années 30

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Jean Gabin et Annabella dans La Bandera © SNC
Jean Gabin et Annabella dans La Bandera © SNC
1930. Le cinéma français rêve d’exotisme. Des colonies, quelques réalisateurs séduits par les étendues sableuses et leurs oasis, nous adressent leurs cartes postales filmées. Indigènes et mouquères sont joués, sinon surjoués, par des acteurs « importés » de Paris faussement exotiques. Les « autochtones », quant à eux, sont bien souvent abandonnés à de vagues seconds rôles ou purement absents de ces fictions dans lesquelles d’autres les représentent.

Dans La bandera de Julien Duvivier, qui voile et dévoile les charmes d’une Annabella devenue occasionnellement berbère, le réalisateur gomme toute présence arabe en opposant à ses héros de la légion « la masse anonyme , menaçante et méprisable des « salopards » (les tribus marocaines en rébellion) que l’on ne voit jamais » (1).

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Au premier plan Celia Montalvan et Charles Blavette dans Toni © Gaumont
Au premier plan Celia Montalvan et Charles Blavette dans Toni © Gaumont
A quelques milliers de kilomètres de là, en métropole, américains en goguette, riches anglais, juifs caricaturés et caricaturaux, apparaissent parfois sur les écrans, quand les immigrés « du quotidien » qui connaissent le même sort que les coloniaux sont sous, voire non, représentés. Un film fait pourtant exception dans le paysage cinématographique français de l’époque : Toni, de Jean Renoir en 1934, qui semble s’être le premier intéressé à cette population « invisible » en s’attachant au destin d’un ouvrier italien venu travailler dans le sud de la France.

S’ils n’apparaissent pas sur les écrans, beaucoup de ces « étrangers » participent pourtant au cinéma national. Le Paris des années 30 accueille nombre de cinéastes étrangers : émigrés russes, hongrois, tchèques et exilés allemands chassés « par la crise économique et par les progrès du nazisme » (2) peuplent les studios français.

Certains y font carrière, tel Max Ophuls. D’autres, sur la route d’Hollywood ou de Londres, y font seulement étape, offrant toutefois au cinéma français quelques uns de ses grands classiques (Mayerling d’Anatole Litvak, Marius d’Alexander Korda), tant ancrés dans le patrimoine hexagonal qu’on oubliera que leurs réalisateurs n’étaient pas, eux, des « nationaux ».

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Pierre Mingand et Danielle Darrieux dans Mauvaise graine © Lobster Films
Pierre Mingand et Danielle Darrieux dans Mauvaise graine © Lobster Films
On pourra aussi s’enorgueillir de la présence, le temps d’un film unique de jeunes cinéastes entrés plus tard au panthéon du septième art. Fritz Lang et Samuel (pas encore Billy) Wilder sont de ceux-là, qui, ayant fuit l’Allemagne nazie, se réfugient un temps à Paris. Le premier réalise en 1933 Liliom, film méconnu, interprété par Charles Boyer. Le second signera un an plus tard, avant de poursuivre son échappée (belle) vers les Etats-Unis, Mauvaise graine, interprétée par l’une des futures étoiles du cinéma français : Danielle Darrieux.

Mais la ville n’abrite pas seulement ces réfugiés économiques ou politiques. Peintres, écrivains et cinéastes de toutes origines participent à l’effervescence culturelle de cette France des grands mouvements (Ecole de paris, surréalisme…). C’est ainsi que Luis Bunuel, attiré par la possible création d’une Société internationale de coopération intellectuelle, se rend à Paris, où il réalisera successivement à la charnière des années 1920-1930 Un chien andalou et L’Age d’or, chefs-d’œuvre poétiquement contestataires, et incarnations « pelliculaires » du surréalisme.

Stéphanie Alexandre

  1. In L’encyclopédie du cinéma de Roger Boussinot, Bordas, 1995
  2. Jean-Pierre Jeancolas in Le cinéma des français : 15 ans d’années 30, Nouveau monde, 2005