La bandera
1935, France, 100 min, Noir &Blanc
Réalisation : Julien Duvivier
Auteur de l’œuvre originale : Pierre Mac Orlan
Adaptateur et dialoguiste : Charles Spaak
Avec : Jean Gabin (Pierre Gilieth), Annabella (Aïsha la Schloui), Robert Le Vigan (Fernando Lucas), Pierre Renoir (le capitaine Weller)
Il est sans doute un peu abusif de considérer La bandera, film réalisé en 1935 d’après un roman de Pierre Mac Orlan, par l’abondant Julien Duvivier (70 films à son actif), comme l’un des plus représentatifs de l’imagerie et de l’imaginaire colonial. En effet, c’est moins l’exaltation du fait colonial (conquête et mission civilisatrice) que l’exotisme de l’outremer et un certain romantisme populiste (voyou parisien au grand cœur / humble prostituée en mal d’amour) qui conduisent l’intrigue.
Un meurtre est commis rue Saint Vincent, au pied de la Butte, lieu commun des amours vénales et repaire des malfrats. Pierre Gileth (Jean Gabin qui affûte ses armes de mauvais garçon et d’irrésistible séducteur), étrangleur fortuit doit prendre le large.
Selon les tropismes de l’époque, sa cavale l’entraîne vers le Sud : l’Espagne puis la zone espagnole du Maroc où la Légion étrangère fait le coup de feu contre les rebelles, c’est-à-dire les indigènes, et offre à tous les « out law » une période d’oubli et éventuellement de rachat sous des cieux anonymes.
Certes on voit quelques pans de casbah, un fortin dans la caillasse, du sable chaud et du soleil brûlant, quelques stipes et troncs de palmiers et de rares Bédoins en fond d’écran et puis l’inévitable bordel où se croisent les désirs et les nostalgies venues de nulle part, à travers les amours fugaces des soldats de la garnison et les pensionnaires du « bousbir ».
C’est là que Pierre va rencontrer Aïcha-la-Slaouie, Berbère approximativement authentique puisqu’ elle est native de Tlemcen. Annabella, aimable vedette au goût du jour, souvent titulaire de rôles polyglottes ou exotiques, est finalement la seule représentante de l’ordre et du désordre colonial. Prostituée indigène parlant français, elle est affublée de tout l’attirail caractéristique : tatouages, amulettes, voiles vaporeux… elle pratique danses lascives et potions magiques pour rendre plus crédible le personnage et pallier aux insuffisances de la comédienne qui n’a que trop souvent recours aux regards effarouchés ou énamourés pour affirmer sa berbérité.
En fait il faut attendre le dénouement et la sonnerie aux morts pour que la voix et la forte présence de Robert Le Vigan, expriment avec une certaine véhémence un patriotisme à forts relents colonialistes.
Sans surprise, c’est à cette séquence que vont les préférences des auteurs de droite Bardèche et Brasillach *. A l’autre extrémité de l’échiquier politique, le critique communiste Georges Sadoul trouve la mise en scène « habile et nerveuse » et n’oublie pas de signaler que les forces de l’ordre étaient placées sous les ordres du Général Franco. Pour lui « les scènes de bagarres et de batailles surpassent les épisodes sentimentaux».**
Dans l’ensemble le film fut bien accueilli par la critique et le public et ne provoqua pas de polémique.
André Videau
* in Histoire du cinéma – Les sept couleurs 1964.
** in Histoire du cinéma – Flammarion 1962.