Cinéma

Toni

1934, France, 82 min, Noir & Blanc
Réalisation : Jean Renoir
Scénario : Jean Renoir et Carl Eistein
Photographie : Claude Renoir
Avec : Charles Blavette (Toni), Jenny Hélia (Marie), Celia Montalvan (Josepha), Max Dalban (Albert)

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Au premier plan Celia Montalvan et Charles Blavette dans Toni © Gaumont
Au premier plan Celia Montalvan et Charles Blavette dans Toni © Gaumont

Antonio Cavala, ouvrier italien, travaille dans une carrière de pierres provençale. Amoureux de Josepha, il est aussi l’amant de Marie sa logeuse. Josepha épouse Albert, le rival de Antonio, qu’elle abat parce qu’il la brutalise. Antonio s’accuse du crime et est abattu.

Drame adapté d'un fait divers, Toni sort sur les écrans en 1934. Réalisé par Jean Renoir, déjà auteur de Nana et La Chienne, le film s’attache - fait inédit - au destin d’un travailleur « exilé ».
Interprété par le très marseillais Charles Blavette, Antonio Cavala, dit Toni, devient ainsi le premier héros immigré du cinéma français.

Car, si dans les années 30, les cartes postales des colonies et leur « exotiques » indigènes occupent les écrans, les étrangers présents en métropole demeurent eux invisibles.

Tourné entièrement en extérieur, au coeur même des communautés latines des Martigues, Toni dépeint avec force et réalisme la vie de ces travailleurs méditerranéens et les passions tragiques qui unissent, ou désunissent, ces déracinés. « Cette région est habitée principalement par des immigrants d’origine italienne, mi-ouvriers, mi-paysans. Chez ces déracinés les passions sont vives et les hommes qui me servirent de modèles pour Toni m’ont semblé traîner derrière eux cette atmosphère lourde, signe du destin fatal des héros de tragédie, voire de chanson populaire » (1).

Loin de l’exotisme provençal des « pagnolades », Renoir tente avec Toni une photographie fidèle, objective, de ces vies en exil dont les chants couvrent parfois ceux des éternelles cigales.
Dans ce souci d’authenticité, il confie les seconds rôles aux habitants. En convoquant des acteurs non professionnels, hommes et femmes du quotidien, l'auteur ajoute encore à l'aspect documentaire de cette chronique « fictionnelle ». Chronique qui augure, sinon inaugure, un cinéma nouveau : Renoir, «Dix ans avant les cinéastes italiens inventait le néo-réalisme » (2). Genre dont Luchino Visconti, qui fut l'assistant de Renoir sur Toni, signera en 1942 avec Ossessione, le manifeste.

A propos du film, Renoir écrira en 1956 : « Je serais heureux si vous pouviez y deviner un peu de mon grand amour pour cette communauté méditerranéenne dont les Martigues sont un concentré. Ces ouvriers d’origines et de langages différents, venus en France pour trouver une vie un peu meilleure, sont les héritiers les plus authentiques de cette civilisation gréco-romaine qui nous a faits ce que nous sommes» (3).

Stéphanie Alexandre

  1. Jean Renoir in Comoedia, 8 février 1935
  2. (François Truffaut)
  3. in Cahiers du cinéma n°60, juin 1956