Historiographies sans frontières. Les migrations internationales saisies par les histoires nationales (XIXe-XXe siècles)
Cette rencontre constitue la première manifestation publique du Gis Histoire des migrations, créé début 2011. Elle propose de faire un état des lieux de la recherche sur les migrations, qui mette en valeur les apports, mais révèle aussi des manques et partant, pose des questions nouvelles et ouvre des pistes de travail. Pour mener à bien cette réflexion, nous proposons de confronter les analyses des représentants de plusieurs historiographies nationales, qui ont toutes été amenées à prendre en compte, dans leur démarche, la dimension migratoire de ces histoires.
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10h -10h30 Introduction
• Marianne Amar, directrice du Gis, responsable du département recherche de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration
• François Weil, président du Conseil de groupement du Gis, président de l’École des hautes études en sciences sociales
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10h30-12h00 Migrants vus d’ici
Mohamed Charef, L’immigration marocaine en France, des origines à 2010
Près de quatre millions de Marocains, soit 12 à 15% de la population, résident à l’étranger. Longtemps tournée vers la France, ancienne métropole coloniale, l’émigration marocaine n’a cessé d’évoluer. Cette intervention propose d’en interroger les multiples facettes, ses mécanismes et ses évolutions, ses pratiques et ses représentations, ses liens avec la colonisation, en distinguant trois temps : avant 1912, de 1912 à l’indépendance en 1956 et depuis l’indépendance.
Mohamed Charef est professeur de géographie à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d’Agadir et directeur de plusieurs institutions et centres de recherche (Observatoire régional des migrations, ORMES, LEMAS). Il est membre associé de l’équipe MIGRINTER-CNRS à Poitiers. Il a publié de nombreux ouvrages sur les migrations, notamment (quatre titres avec références en attente). Il exerce également des fonctions de conseil et d’expertise auprès de plusieurs organisations nationales et internationales sur les questions migratoires.
Ecouter l'introduction de Marie-Claude Blanc-Chaléard et l'intervention de Mohamed Charef
Philippe Rygiel, Des migrants saisis par l’État. L’historiographie française et l’immigration
Il y a une trentaine d’années, les historiens français ont fait de l’immigration - phénomène de longue durée dans l’histoire française - un objet d’histoire. Profondément marquée par son contexte d’apparition et en particulier par les luttes politiques de la période, cette historiographie a fait de l’État le personnage central d’une histoire prise dans la construction permanente de la nation. Si cette approche première, originale au regard d’autres traditions historiographiques, a profondément et durablement marqué les travaux français, la dernière décennie semble témoigner d’une diversification des approches et des angles de vue qui autorise à proposer quelques éléments de prospective.
Philippe Rygiel est directeur adjoint du Centre d’histoire sociale du XXe siècle (UMR8058) et président du Conseil scientifique du GIS Histoire des migrations. Spécialiste de l’histoire des migrations de l’époque contemporaine au sein du monde occidental et de leurs régulations, il a récemment publié Le temps des migrations blanches. Migrer en Occident 1850-1940, Publibook, 2ème édition 2011 et dirigé "Réfugié(e)s", Le Mouvement social, n°225, octobre-décembre 2008 ; Le bon grain et l’ivraie. La sélection des migrants en Occident, Publibook, 3ème édition 2008.
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• Modératrice : Marie-Claude Blanc-Chaléard, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense
13h45 – 15h45 Migrants vus d’ailleurs
David Feldman, Dealing with difference : Immigrants in Modern British History and Historiography
This paper will survey the history of immigration to Britain since 1800 and the changing approaches taken by historians to this history over the last four decades. These historiographical changes have been influenced by a) the decline in social and institutional history and the rising influence of the history of cultures and identities, b) the imperatives of research councils - and the Arts and Humanities Research Council as it has sought to demonstrate to government its utility, and c) the changing ways in which immigration issues have arisen in political and social debate. The paper will argue that the significance of institutional and economic elements of immigration are too often neglected in the present. It will also argue that well-meaning emphasis on the longevity of immigration in British history has drawn attention away from important discontinuities in the post war period.
David Feldman is Professor of History and Director of the Pears Institute for the Study of Antisemitism at Birkbeck, University of London. He is an editor of History Workshop Journal and from 2005-10, was Chair of the Steering Committee for the Arts and Humanities Research Council Strategic Programme on Diaspora, Migration and Identities. He is the author of Englishmen and Jews: Social Relations and Political Culture, 1840-1914 (London, 1994). He has written widely on the history of migrants and immigrants in Britain: most recently he published “Why the English like turbans: the history of multiculturalism in one country”, in Structures and Transformations in British History (Cambridge, 2011)
Ecouter l'introduction de Pierre Sintès et Claire Zalc et l'intervention de David Feldman
Dimitris Parsanoglou, L’historiographie grecque face à l’histoire migratoire de la Grèce : entre méconnaissance et reconnaissance.
La question de la migration et sa perception sociale apparaissent très souvent controversées. En général, les arguments invoqués ne dépassent pas des dichotomies simplistes : immigration régulière ou irrégulière, temporaire ou permanente, utile ou dangereuse, pour ne citer que ces exemples. De la même manière, les typologies qui dominent le discours public, parfois empruntées à la recherche, entendent fournir des réponses générales à des problèmes plus sociaux que sociologiques et ne tiennent pas compte de la complexité des phénomènes, ni des exceptions qui remettent en cause ces présupposés.
Cette tension entre le discours dominant et une réalité nuancée se retrouve au sein de l’entreprise scientifique, et plus précisément historiographique. Dans cette intervention, nous essaierons de démontrer les tensions/contradictions qui existent entre, d’un côté, une historiographie qui décrit la Grèce comme un pays diachroniquement "émetteur" d’immigrants avant de devenir pays "récepteur" dans les années 1990, et, de l’autre, une histoire sociale beaucoup plus riche et complexe qui brise le mythe d’une société homogène et d’une économie close.
Dimitris Parsanoglou a fait ses études doctorales en sociologie, à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, à Paris. Il travaille actuellement comme chercheur à l’Université de sciences sociales et politiques Panteion à Athènes, et enseigne la sociologie au département d’études philosophiques et sociales de l’Université de Crète. Dans le domaine des migrations, il participe à plusieurs projets de recherche qui traitent des nouveaux médias, des jeunes et du genre. Il a publié des articles concernant l’histoire de l’immigration en Grèce, l’immigration et le marché du travail, la question de la « deuxième génération » et la question du multiculturalisme, notamment Parsanoglou Dimitris et al., « Precarious Trajectories : Migrant youth regimes in Greece » in Gavan Titley & Alana Lentin (dir.), The Politics of Diversity in Europe, Strasbourg, Council of Europe Publishing, 2008 et "Multiculturalisme(s) : les avatars d’un discours", Socio-anthropologie, N° 15, 1e sem. 2004. Il a également été l’un des éditeurs de l’ouvrage collectif Immigrés en Grèce, Athènes, Hellénica Grammata, 2001.
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Dariusz Stola, International migrations from communist countries : the case of Poland
The paper presents selected results of a research project on migrations from communist Poland. Taking Poland as a case, it will argue that migrations from communist states and relevant policies deserve more attention of migration scholars. Communist regimes developed unprecedented systems of mobility control (and police control in general) and left large archives of relevant data, now available. This offers opportunities for historians as well as social scientists interested in various general and specific questions, such as the dimensions and consequences of the freedom of movement, patterns of mobility under non-market economies, formation and conversion of social capital, or limits of terror as an instrument of migration control.
Dariusz Stola is a historian, professor at the Institute of Political Studies, Polish Academy of Sciences, and at Collegium Civitas, Warsaw, fellow at the Center for Migration Research, Warsaw University. His research has focused on the communist regime in Poland, international migrations in the 20th century, Polish-Jewish relations and the Holocaust. On these topics he has published 8 books and hundred articles. His last book Kraj bez wyjścia? Migracje z Polski 1949-1989 (2010) [A country with no exit? Migrations from Poland 1949-1989], has received the “History book of the year” award by Polityka magazine.
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• Modérateurs : Pierre Sintès, maître de conférences en géographie, Université de Provence, et Claire Zalc, chargée de recherche au CNRS, Institut d’histoire moderne et contemporaine.
15h45 – 16h15 Pause
16h15 – 18h15 De l’international au transnational
Franck Caestecker, Refugees in the European Historiography: beyond the administrative category
Most historical research in the field of migration studies has focused on the political struggle to develop a distinct policy for refugees while a protectionist immigration policy was being developed. The political and sociological reality of refugees did not always correspond. Historians should see further than administrative categories of policy making and use an independent category refugee.
However where should the historian draw the line? Where does the refugee begin and where does the (economic) migrant end? Are historians the eligibility officers for the human past?
The 20th century refugee experience has also to be addressed in cultural terms. Were refugees different guests than migrants? Forced to leave and precluded from returning did their place of asylum become their new home more quickly than for other migrants?
Frank Caestecker (1960) is a Doctor in history. He read history at the University of Ghent, and after his undergraduate studies he worked at the University of Brussels, Warsaw, Osnabrück and Madison (Wisconsin-USA). He completed his graduate studies at the European University Institute in Florence where he defended in 1994 his Ph.D. entitled "Belgian Alien Policy, 1840-1940. The creation of Guest Workers, Refugees and Illegal Aliens", published by Berghahn books in 2000. He edited with Bob Moore the volume Refugees from Nazi Germany and the Liberal European states, 1933-1939 which was published by Berghahn books in 2010. He is now affiliated to the University of Ghent and the University College Ghent.
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Dirk Hoerder, Neither Marginal Men nor Uprooted : The Columbia University Scholars’ Comprehensive Approach to Migrant Culture and Agency, 1880s-1940s
In this paper I will (1) briefly discuss the several approaches to immigrants and resident racialized groups from the 1880s to the 1930s. (2) I will reflect on the vantage point of the Columbia University School, i.e. research “emancipated” from implicit assumptions of single-society socializations or national perspectives, and outline the interdisciplinary from the 1890s to the early 1950s. Faculty and students included women, immigrants, and “minorities.” (3) I will place the research in the spatial-intellectual context of New York city’s Ellis Island, Harlem, and Greenwich Village and refer to its connection with the New School of Social Research. Often – correctly – associated with cultural anthropology and the study of Native People (“Indians”), the Columbia scholars’ research included (a) European immigrants and exiles, (b) Mexican migration to and lifeways in the U.S. with linkages to background cultural economics in Mexico as well as Latin American Studies in general, and (c) African-American (or, more precisely: “African-U.S.”) and African-Caribbean cultures as well as African cultural backgrounds. I will argue that the work of the Columbia School was the direct intellectual precedent of the social and cultural history that developed from the 1970s and, contrary to mainstream immigration and ethnic history, was not Europe-centered but almost global.
Dirk Hoerder a enseigné l’histoire sociale de l’Amérique du Nord ainsi que l’histoire des migrations à Arizona State University et à l’Université de Bremen. Il a enseigné dans les Universités deYork, Toronto, Duke, Durham N.C. et à l'Université de Paris 8 - Saint Denis. Il s’intéresse à l’histoire des systèmes migratoires du monde et à la sociologie de l’acculturation des migrants. Ses publications incluent Labor Migration in the Atlantic Economies (1985), Creating Societies: Immigrant Lives in Canada (1999), Cultures in Contact: World Migrations in the Second Millenium (2002, Prix Sharlin de la Social Science History Association), avec Christiane Harzig et Adrian Shubert, The Historical Practice of Diversity: Transcultural Interactions from the Early Modern Mediterranean to the Postcolonial World (2004) et avec Christiane Harzig et Donna Gabaccia, What Is Migration History? (2009).
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Nancy Green, Le transnationalisme des migrants : vieille pratique, nouveau concept ?
Le transnationalisme est-il une "réalité" sociale, un concept, une approche méthodologique ou une mode intellectuelle ? Le phénomène n’est peut-être pas nouveau, mais sa conceptualisation l’est, et elle a provoqué une mini-guerre des disciplines aux États-Unis. Après les études sur l’assimilation puis l’accent mis, au contraire, sur l’ethnicité et la permanence des cultures d’origine, voici le temps du transnationalisme, comme concept clé pour comprendre les migrations. Circulations incessantes par avion, via Internet ou les antennes paraboliques, croissance des transferts d’argent et des déplacements des hommes : lancé par les anthropologues aux Etats-Unis, le transnationalisme pose problème aux historiens qui prétendent l’avoir étudié depuis trois décennies. Alors, quoi de neuf ? On s’interrogera sur les usages et les limites d’un concept.
Nancy L. Green est directrice d’études (professeur) d’histoire à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, où elle est membre du Centre de Recherches Historiques. Docteur de l’Université de Chicago et docteur d’État de l’Université de Paris VII, elle s’est spécialisée dans l’histoire des migrations, l’histoire comparée et l’histoire sociale française et américaine. Ses publications incluent Du Sentier à la Septième Avenue, La confection et les immigrés, Paris-New York 1880-1980, Paris, Le Seuil, 1998 ; Repenser les migrations, Paris, PUF, 2002 ; avec Marie Poinsot, dirs, Histoire de l’immigration et question coloniale en France, Paris, La documentation française, 2008 et avec François Weil, dirs., Citoyenneté et émigration : Les politiques du départ, Éditions de l’EHESS, 2006. Elle travaille actuellement sur un ouvrage concernant une migration d’élite, les "autres" Américains à Paris, 1880-1940.
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• Modérateurs : Gérard Noiriel, directeur d’études à l’EHESS et Paul Schor, maître de conférences à l’Université Paris Diderot Paris VII
Informations pratiques
Cité nationale de l'histoire de l'immigration
Auditorium
Entrée libre
Renseignements : contact@gis-migrations.fr