Combien coûte une expulsion ?
Présenté en juin 2019, un rapport parlementaire, piloté par les députés Jean-Noël Barrot (MoDem) et Alexandre Holroyd (LREM), a chiffré le coût d’une expulsion à 13 800 euros en moyenne.
Comparé au montant des retours « volontaires », « consentis » et/ou « aidés » (2 500 euros) la procédure, qui représente 70 à 80 % des « raccompagnements », coûte 6 fois plus chère. Le poste « Surveillance en Centre de rétention administrative (CRA) » compterait pour 5 710 € de l’ensemble de la facture, suivis par les frais de justice (3 429 €), les frais de défense et de condamnation (1 104 €). Les expulsés, ou « éloignés », ont été reconduits en Albanie (2 112), en Roumanie (1 909), en Algérie (1 525), au Maroc (1 161) et au Soudan (872). En 2018, les expulsions d’étrangers en situation irrégulière ont coûté 468 millions d’euros.
Précédentes évaluations
Ce nouveau chiffrage du coût d’une expulsion tend à confirmer deux précédentes évaluations : en 2009, un rapport de l'Inspection générale de l'administration avançait la somme 12 000 euros par expulsion ; la même année, la Cour des comptes qui reconnaissait ne pas pouvoir estimer certaines dépenses, comme celles liées à l’entretien des Centre de rétentions administrative (CRA), estimait le coût d’une expulsion à 13 220 euros par personne. En revanche, en 2008, la commission des finances du Sénat évaluait le coût des reconduites à la frontière à environ 20 970 euros par personne reconduite. De son côté, la Cimade - qui intervient dans les CRA - chiffrait chacune des 19 800 expulsions de 2008 à 27 000 euros ! Pour ce résultat, elle additionnait plusieurs coûts : garde et escorte des personnes retenues dans les CRA, coûts de fonctionnement des CRA, frais de restauration et blanchisserie des migrants, transport et prise en charge sanitaire et sociale, aide à l'exercice des droits, frais de fonctionnement du ministère de l’Immigration, mais aussi coût d'investissement dans la construction de nouveaux CRA et l'agrandissement d'anciens.
Durcissement
Selon la Cimade, « entre 2015 et 2018, le nombre d’obligations de quitter le territoire français a ainsi augmenté de 30 % (de 80 000 à plus de 100 000 – données Eurostat ) ». Ces procédures conduisent à restreindre les libertés des personnes, assignées à résidence, enfermées dans des CRA ou encore incarcérées en prison.
En 2019 le nombre de personnes enfermées dans les CRA a augmenté de 37 % par rapport à 2016, et de + 8 % entre 2018 et 2019. Toujours selon la Cimade, « les autorités françaises ont multiplié les initiatives pour expulser vers des pays comme l’Afghanistan, le Soudan, l’Iran, l’Irak et même l’Érythrée. La ratification en 2019 d’un accord UE-Afghanistan par la France vise explicitement à expulser vers ce pays », et ce malgré les risques « graves » encourus par les personnes menacées d’expulsion. Depuis la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan, les autorités françaises – après l’Allemagne et les Pays Bas, ont annoncé suspendre les expulsions des Afghans déboutés du droit d’asile.
Débats autour d’une politique
En 2020, plus de 108 000 personnes ont reçu des obligations de quitter le territoire français (OQTF) (en savoir plus sur les OQTF). Selon le ministère de l’Intérieur, 15 950 étrangers en situation irrégulière ont quitté le territoire français.
Pour Jean-Noël Barrot et Alexandre Holroyd, l’aide au retour volontaire, reste peu employée (6 845 retours aidés en 2018 contre 13 584 en 2011), malgré son coût (entre 2 500 et 4 000€ par personne). Pour les deux députés, les retours volontaires seraient à privilégier, estimant qu’« une augmentation de 30 % de l’aide induit une hausse de 30 % des retours aidés ». Les placements en CRA seraient inefficaces : les députés rappellent que non seulement 40 % des 24 531 personnes retenues en métropole ont été effectivement éloignées en 2018 mais que le recours à ces placements sont « parfois juridiquement fragile ». En 2018, près de 7 000 décisions de libération ont été prises par les juges administratifs.
Dans son livre d’entretien avec Gérard-François Dumont (Doit-on contrôler l’immigration ?, Prométhée 2009), le démographe Hervé Le Bras suggère de consacrer tout ou partie des sommes consacrées aux expulsions, à la lutte contre le travail au noir qui couterait, chaque année, entre 16,8 et 20,8 milliards d'euros selon la Cours des comptes (2014), entre 6,8 et 8,4 milliards selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
Mustapha Harzoune, 2022