Regards de photographe

Rencontre avec Gérald Bloncourt

Quand on interroge Gérald Bloncourt sur ses photos, il ne répond pas directement. On comprend que, pour lui, ses photos parlent d’elles-mêmes si on fait l’effort de les regarder. Plutôt que de parler de ses photos donc, il explique, patiemment, ce qui l’a amené à les prendre. Et c’est son parcours qu’il retrace avec beaucoup d’honnêteté à travers une série d’anecdotes : Haïti d’abord. Les conditions de vie, la dictature. La prise de conscience très tôt des inégalités sociales et de l’exploitation qui le pousse à s’engager, politiquement. Viens ensuite l’exil, les petits boulots, la rencontre avec la photographie, puis l’engagement toujours, cette fois à travers son objectif de photographe.

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Illegal Portuguese immigrants crossing the Pyrenees in March 1965
Passage d’immigrés portugais clandestins dans les Pyrénées en mars 1965
© Gérald Bloncourt / Musée national de l’histoire de l’immigration

Nous avons appris avec regret le décès de Gérald Bloncourt le 29 octobre 2018

Une vie…

Haïti, l’éveil au monde

Gérald Bloncourt naît en 1926 en Haïti. C’est le contexte, économique, politique et social, d’Haïti, presque autant que son milieu familial, qui le marque et qui l’oriente très jeune vers une prise de conscience des inégalités sociales et de l’exploitation. Il décidera de les combattre en s’engageant dans la révolution de janvier 1946.

Entretien avec Gérald Bloncourt : Haïti
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L’exil et l’arrivée en France

Après l’échec de la révolution, Gérald Bloncourt est expulsé. Vers la Martinique d’abord puis, de là, il gagnera la France. Il débarque au Havre, dans une ville en ruine, le 15 mai 1946. Parcours presque "banal" d’un émigré qui croise en chemin André Breton, Aimé Césaire, les derniers bagnards de Cayenne, et qui "débarque" dans un monde dont il ne connaît pas les codes et qui s’atèle à plusieurs petits boulots jusqu’à trouver "sa" voie presque par hasard.

Entretien avec Gérald Bloncourt : l'émigration
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… de photographe

Dénoncer l’exploitation par la photo

Alors qu’il est photojournaliste à L’Humanité (à la rubrique Front du travail), Bloncourt croise par hasard Robert Capa. "Je photographie la guerre pour mieux la dénoncer me dit-il. Cette rencontre furtive fut décisive pour moi. Capa allait sur les terrains d’opérations pour mieux combattre la guerre. Je décidai d’aller dans les usines et les bidonvilles pour mieux dénoncer la misère". Il rompt alors avec les habitudes de la presse de l’époque qui publie des clichés anonymes de "travailleurs en rang d’oignons". Il impose à la rédaction de nouvelles prises de vues montrant des visages, des mains, des hommes en train de travailler, des conditions de vies.

Il regarde, observe, se rend sur place, prend des risques et témoigne, dénonce par l’image.

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Hors champ

Pour lui, tout ne se photographie pas. Il y a des choses dont il ne peut rendre compte par l’image : la mort, que ce soit dans la guerre du Front Polisario ou lors du tremblement de terre de 1982 dans la région de Naples, ou, plus intimement, Haïti. "C’est le seul pays où je n’ai pas pu faire de photo" dit-il, "je ne peux pas".

Le travail de Gérald Bloncourt relève d’une certaine culture de l’image dans la lignée des grands photographes humanistes dont il fait partie.

Hors champ. Entretien avec Gérald Bloncourt.
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Propos recueillis par Marie Poinsot et Anne Volery lors d'un entretien avec Gérald Bloncourt réalisé en avril 2013 (des extraits de cet entretien ont été également publié dans le numéro 1302 de la revue Hommes & Migrations)

Texte et montages : Anne Volery

A voir également sur Gérald Bloncourt :

  • Voir les photos de Gérald Bloncourt faisant partie des collections du Musée national de l'histoire de l'immigration
  • Exposition : Pour une vie meilleure, photographies de Gérald Bloncourt