Comment mesurer l’intégration ?
« Il n’y a aucune « loi » générale permettant de mesurer l’intégration, comme un thermomètre mesure la température » écrit l’historien Gérard Noiriel (2007). L’idée étant que l’intégration est un processus au long cours, qui va sans se dire, sans bruits ni publicité, dans l’intimité des multiples relations quotidiennes. C’est aussi ce que confirme l’OCDE : « il n'existe pas, pour quantifier l'intégration, d'unités de référence comme le mètre ou le kilo, qui faciliteraient les comparaisons de données dans le temps et/ou entre pays ». Existe-t-il, a contrario, un ou des indicateur(s) permettant de mesurer - de jauger - la volonté d’acceptation des migrants et de leurs descendants d’une société d'accueil ? Comment, par exemple, interpréter les manifestations de xénophobie ou de violences à l'égard des migrants ou des étrangers : sont-elles représentatives de la société dans son ensemble ou l’expression d’une minorité bruyante ?
Quels indicateurs retenir ?
Mesurer l'intégration est une entreprise difficile, voire hasardeuse. Indispensable pourtant pour le démographe François Héran « il faut des données pour ne pas en faire un sujet creux » (Collège de France). Aussi insatisfaisants soient-ils, l’OCDE, retient tout de même quatre dimensions de l'intégration : rôle économique des migrants, culturel, social et politique ou citoyen. Et ici commencent les difficultés : quels indicateurs retenir ? Que révèlent-ils ? Ainsi, le chômage ou les difficultés scolaires traduisent-ils un défaut d’intégration lié à une origine ou des réalités macroéconomiques et des inégalités sociales applicables à l’ensemble de la société ? Quid des comparaisons internationales, sur quels critères communs peuvent-elle être opérées ? Comment les indicateurs d’un pays seraient-ils comparables à ceux d’un autre pays sachant que les dynamiques historiques, sociétales, culturelles, migratoires diffèrent ?
Et ce qui faut pour les dimensions socioéconomiques, voire politiques, est encore plus pertinents pour le domaine culturel. Car à l’exception de la maitrise ou de la non-maitrise de la langue, quid des indicateurs d'intégration culturelle à l’aune de la culture elle-même, de la religion, des pratiques artistiques, culinaires, des pluri-appartenances et des identités composites, etc ? Même un indicateur aussi utilisé que celui de la naturalisation peut-être questionné : adhésion au pays d’accueil ou modalité pratique, résultant d’une adaptation personnelle voir d’une évolution du cadre légal, d’une plus ou moins grande ouverture institutionnelle ? Et comment prendre en compte les évolutions, changements, permanences, régressions dans le temps, entre générations par secteurs géographiques ou par communautés (ce qui vaut pour tel ou tel groupe de population ne vaut pas nécessairement pour d’autres, etc.)
Pour autant, l’OCDE propose de retenir plusieurs familles d’indicateurs : l’accès au marché du travail, la situation au regard du logement et des services sociaux, l’éducation, la participation au processus politique et décisionnel, les données démographiques (mortalité, fécondité, natalité interethniques, mariages…), les indicateurs judiciaires, etc. Sur le plan culturel, le débat public porte essentiellement sur les questions religieuses, le rapport à la laïcité, l’égalité femme-homme, les comportements à l’école ou la question des binationaux.
Mustapha Harzoune, 2022