Société et immigration

Quelle est la part des femmes dans l'immigration en France ?

Comme le rappelle l’INED « grâce aux recensements, on sait que la part des femmes n’a jamais été négligeable dans l’immigration (…) : en 1931, au moment où elles sont proportionnellement les moins nombreuses, elles représentent déjà 40% de la population immigrée. Elles étaient proches de la parité au début du XXe siècle (47% en 1911) et c’est seulement au tournant du XXIe siècle qu’elles deviennent majoritaires (51% en 2008) ». En 2020, les femmes étrangères représentaient 52 % de l’immigration. 

 

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David DAMOISON, Café, rue Myrha, Paris, 1993
David DAMOISON, Café, rue Myrha, Paris, 1993, Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv 2006.143.1 © EPPPD-MNHI, David DAMOISON

La part des femmes 

Dès lors, faire de l’immigration une affaire d’hommes, et d’hommes isolés, semble excessif et cache des réalités démographiques et sociologiques multiples, dans le temps et au sein des différents courants migratoires. Minoritaires dans l’immigration turque (46% de femmes), marocaine et tunisienne (48%), les femmes sont majoritaires dans tous les autres groupes allant même jusqu’à 65% des immigrés issus des pays l’Union européenne (hors Espagne, Italie et Portugal). 

Historiquement le regroupement familial fut un des principaux ressorts de la féminisation de l’immigration, notamment après 1974 et l’arrêt de l’immigration de travail. Alors que les trois quarts des nouveaux entrants originaires du Maghreb étaient des hommes, après 1974, les courants migratoires se sont féminisés, au point de représenter jusqu’à 61% des nouveaux entrants entre 1975 et 1983, avant de revenir à l’équilibre (48% de femmes entre 1998 et 2008). 

 

Bien plus que des « suiveuses » 

Il ne faudrait pas pour autant enfermer ces femmes dans la figure de « suiveuses », et céder à un autre stéréotype. Avec la multiplication des études, des écrits (témoignages ou romans) et des mobilisations associatives et citoyennes, il est désormais impossible de cacher le soleil avec un tamis et de taire le nombre, la place, les apports, les combats des femmes dans les trajectoires migratoires (voir notamment Les visages de la victoires du cinéaste Lyèce Boukhitine). 

Désormais, les départs des femmes correspondent aussi à des départs « autonomes » :  femmes célibataires ou parfois qui précède le conjoint. En 2008, le taux de féminité de l’immigration en provenance d’Afrique centrale ou du golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Cameroun, République démocratique du Congo, etc.), s’élevait à 57%. En revanche, dans la migration turque, les femmes sont les moins nombreuses à entrer en France de façon « autonome ». « En réalité, au fil des dernières décennies, la France a été le théâtre d’une spectaculaire convergence des profils migratoires entre hommes et femmes. Les nouveaux arrivants célibataires sont de plus en plus souvent des femmes, alors que les « regroupés » sont de plus en plus souvent des hommes ». 

En 2020, les femmes représentaient un tiers des demandes d’asile enregistrées à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) soit 31 672 demandes sur 96 424 (contre 132 826 demandes en 2019). Ces femmes sont originaires à 55 % du continent africain et à 24 % d’Europe, notamment d’Albanie ou de Russie. Au 31 décembre 2020, 41,3 % des personnes protégées en France étaient des femmes, contre 40 % un an plus tôt.

Des situations bien spécifiques

Le profil migratoire des femmes est donc divers et, par bien des aspects, différant de celui des hommes : nombreuses quittent leur pays pour des raisons personnelles, par choix de vie (travail, accès à leurs droits fondamentaux…) ou pour fuir des violences spécifiques (mariages forcés ou précoces, violences conjugales et intra-familiales, mutilations sexuelles, crimes dits d’honneur, persécutions liées à l’orientation sexuelle, traite aux fins d’exploitation sexuelle). Les parcours migratoires sont souvent plus dangereux. De plus, dans le cadre de l’accès au séjour, et de l’insertion en France, les femmes immigrées sont confrontées à la fois à des préjugés racistes et sexistes, à des discriminations spécifiques et butent sur davantage d’obstacles pour accéder à l’espace public, à la parole, à la langue, à l’emploi. Une plus grande vulnérabilité qui rend plus difficile l’accès aux droits fondamentaux. 

En 2017, parmi les femmes suivies en psychothérapie, le Comède indiquait que 74 % déclaraient des antécédents de violences liées au genre. En matière d’épidémiologie médicale, les femmes exilées sont 5 fois plus atteintes que les hommes par l’infection à VIH, 2 fois plus victimes de maladies cardiovasculaires et cancers, ainsi que de troubles psychiques graves (x 1,6) et d’hépatite C chronique (x1,3). En 2020, l’Académie nationale de médecine a montré que les freins à l’insertion des femmes migrantes peuvent être exacerbés par les séquelles psychologiques des violences subies - dans le pays d’origine, durant le trajet migratoire, et même après être arrivées en France..

Alors qu’en 2020, 50,5% des personnes qui migrent dans le monde sont des femmes (ONU), la prise de conscience des situations, des problèmes spécifiques que rencontrent les femmes étrangères, mais aussi des dynamiques nouvelles qu’elles impulsent, semble encore à l’état d’ébauche.

Mustapha Harzoune, 2022

Source :

  • Cris Beauchemin, Catherine Borrel, Corinne Régnard, « Les immigrés en France : en majorité des femmes », Ined, Population & Sociétés, n°502, juillet-août 2013.